A l'origine de ce livre, il y a la volonté de ne plus considérer le nazisme et la Shoah comme un phénomène absolument singulier, unique en son genre et d'une insurmontable opacité. C'est pourquoi François Jacquet-Francillon, d'une part situe le nazisme dans la longue histoire des violences collectives (et meurtrières), et d'autre part entend saisir des points communs entre l'action des militants nazis et, par exemple, les meurtres commis par les catholiques parisiens lors du « massacre de la Saint-Barthélemy » (en 1572), les diverses tueries auxquelles participèrent les foules révolutionnaires de 1789 ou 1792, l'assassinat par les « gardes rouges » de la « révolution culturelle » chinoise, à la fin des années 1960, des éléments soi-disant « révisionnistes » de la société et du Parti communiste, ou encore les attentats suicides commis ces dernières années dans de nombreux pays par les groupes jihadistes se réclamant d'un islam traditionnel des plus rigoureux. Si ce livre s'efforce de montrer que la violence nazie a de nombreux antécédents, ceci, affirme l'auteur, ne conduit pas à en nier le caractère exceptionnel et paroxystique. Quelle est alors la différence entre le nazisme et les situations dispersées dans l'histoire et la géographie qui surviennent en écho ou comme des précurseurs non génocidaires du génocide nazi ? La différence tient à ce que le nazisme a fait de la violence, toujours pratiquée sur un mode de vengeance, un système d'État durable, là où il n'y avait que des explosions sporadiques et limitées (sans parler des conflits guerriers engagés par un État à l'égard d'un autre État). François Jacquet-Francillon affirme aussi que l'abord du cas nazi exige une investigation renouvelée de la violence. Et pour donner corps à ce principe, il s'intéresse non pas aux individus violents et à leur psychologie ou leur inspiration personnelle (idéologique, etc., et... pathologique sans aucun doute) mais avant tout aux collectifs humains enclins à la violence et dans lesquels de tels individus se rassemblent. Ceci mène à un premier constat : ces groupes, ou groupements, au cours de leur vie normale, élaborent et diffusent des pratiques et des croyances spéciales que l'auteur qualifie d'agonistiques. Seules de telles pratiques et de telles croyances expliquent que des individus furieux, grâce à des circonstances favorables, transforment un désir de mort (répandu quand on admet que tout irait mieux si les Juifs n'existaient pas), en volonté de tuer (suivie par la création et la mise en oeuvre de moyens humains et matériels, notamment de dispositifs d'exécution - chambres à gaz au bout du compte). Cette volonté passe, souvent inchangée, des donneurs d'ordre aux exécutants. Il est à noter que l'auteur a utilisé un vocabulaire approprié. D'une part il a défini des « groupements agonistiques » d'autre part, il a caractérisé la mentalité originale de ces groupements en parlant d'« effervescence mentale » et de « désignation de l'ennemi » - ennemi auquel ces groupements (et eux seuls) confèrent un statut de personnes, instances, populations, etc., à abattre. Si la notion des ennemis est ici centrale, elle ne réfère cependant pas à la théorie de Carl Schmitt, qui n'a pas accordé d'attention aux croyances circulant à l'intérieur de ces groupements, des « croyances agonistiques » - dont les récentes « théories du complot », comme on dit aujourd'hui, pourraient n'être que le dernier avatar.
Le numéro 16 de la revue Incidence est organisé autour d'un essai de Carlo Ginzburg qui touche au coeur ignoré de la plus brûlante actualité, dans le monde globalisé qui est le nôtre, celle qui voit se déchaîner des conflits entre les cultures, les genres, les religions... : « Nos mots et les leurs. Une réflexion sur le métier d'historien, aujourd'hui ». Que peut apporter la réflexion d'un historien sur la démarche qui permettrait de tenter de comprendre l'autre, celui qui est en face? Carlo Ginzburg, à partir de son métier, préconise une attitude critique et détachée qui exige de prendre en compte deux niveaux, non seulement celui de la parole de ceux qui se font entendre à travers les traces laissées par l'Histoire, mais aussi celui de l'observateur lui-même impliqué dans sa recherche avec ses propres mots, et les façons de penser qu'il partage avec ses contemporains. L'historien part donc de ses propres questions, inévitablement anachroniques, pour chercher des réponses, mais ces réponses modifient elles-mêmes les questions, de sorte que, dans un jeu dynamique d'allers et retours, s'affine peu à peu la possibilité de parvenir à l'interprétation des sources en reconstruisant les modes de pensée des individus et des sociétés des époques analysées, si différentes des nôtres. Mais il précise bien que cela reste une interprétation, c'est à dire que même parvenu à restituer les réponses apportées par les documents, il doit garder à l'esprit qu'il y a toujours un travail de traduction. Il est donc important de maintenir la tension entre les questions et les réponses, nos mots et les leurs. Ce que l'historien a élaboré pour tenter de penser le passé peut servir de modèle pour aider à franchir les distances qui séparent aujourd'hui les genres, les cultures, les nations etc. au niveau mondial. Carlo Ginzburg dans le déroulement de ce fil réflexif ne cesse de rayonner vers les autres sciences humaines, s'enrichissant de cette ouverture constante aux disciplines elles aussi confrontées aux nécessités de l'enquête et de l'interprétation: la linguistique et l'anthropologie qu'il donne en exemple de cette rigueur méthodologique, mais aussi la philologie et la littérature. La revue Incidence réunit ici des chercheurs de grande compétence, de sciences humaines, et de critique littéraire, pour dialoguer avec lui à partir des problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur propre domaine d'étude.
Une vingtaine d'auteurs venant d'horizons géographiques et disciplinaires différents collaborent à ce numéro dont le projet est d'interroger les sciences sociales et humaines, mais aussi la philosophie et même le droit, sur leur rapport à la domination coloniale. Cette relation restant très généralement du domaine du non-dit, on y explore ce qui relève des implicites, des métaphores, des lacunes, bref, des impensés. Il s'agit donc de montrer, à partir de cas précis, comment certains scientifiques sociaux ont mené leurs recherches en complicité totale, mais déniée ou ignorée avec l'entreprise coloniale, comment cette adhésion sans faille à l'esprit de la colonie a marqué et marque encore le choix des objets, la méthodologie, la théorisation, la conceptualisation, le privilège accordé à certaines approches aux dépens d'autres. Au-delà de cette perspective historique sur le passé des disciplines, se pose aussi la question de la persistance et de l'insistance de ce lien largement occulté entre sciences sociales et colonie.
Au-delà du titre volontairement provocateur, ce livre répond à une double ambition : Introduire à une critique anthropologique de ce qu'on appelle couramment des oeuvres littéraires (latines ou grecques) en les traitant non comme des textes, des objets autonomes, porteurs de significations et susceptibles d'être interprétés aujourd'hui par une lecture, mais comme les traces d'actions passées, de pratiques qu'il faut reconstituer pour comprendre à quoi correspondaient ces actes de parole que l'on catalogue, à tort, dans la littérature.
L'exemple sur lequel s'exerce cette critique anthropologique est Tune des plus célèbres de ces prétendues oeuvres littéraires : l'Odyssée. Une fois resituées dans son contexte énonciatif, et ramenée à un acte sans autre signification que lui-même - chanter l'épopée homérique - l'Odyssée est confrontée avec d'autres pratiques culturelles contemporaines : une publicité des pâtes Panzani, le film Le grand Bleu, et la tauromachie dont les fonctionnements sont sur bien des points comparables.
Sortir intellectuellement de la "galaxie Gûtemberg", de l'impérialisme de l'écriture et donner aux "littératures orales" un prestige entier, en cessant d'en faire des pré-littératures en attente de l'écriture, comme on fait des séries télévisées de la sous-culture. Tout sépare les chants de l'Odyssée des émissions de Dallas mais une fois restitués dans leur contexte respectif, ces deux types de performances remplissent la même fonction : susciter chez le public un consensus culturel qu'alimente la célébration d'un monde immobile et parfait.
Parfait et immobile parce qu'il réalise totalement l'essence de chaque chose dans un temps qui permet à l'être de se déployer sans se transformer. Si Dallas est notre Homère, Homère fut aussi le Dallas de l'Antiquité.
En 1962, l'Université d'Accra, capitale du Ghana, invite le professeur Norbert Elias.
Il dirigera le département de sociologie durant deux années. Il a 65 ans. Il s'y rend en partie par curiosité et en partie espérant y trouver le temps de poursuivre ses recherches. L'Université est une copie réduite d'Oxford et de Cambridge, dit-il.
" L'histoire de ce volume commence par la lecture de l'ouvrage Elias par lui-même dans lequel il explique en détail son expérience africaine et les conséquences que ce séjour aura par la suite sur son travail de sociologue.
C'est à cette époque que je pris la décision de retrouver les traces écrites de ce passage. Après de nombreuses recherches infructueuses pour retrouver ces textes, un nombre impressionnant de tapuscrits de Norbert Elias sur l'Afrique fut enfin retrouvé. Le lecteur attentif à l'oeuvre de Norbert Elias reconnaîtra dans ce livre ce retour constant vers les sociétés anciennes. Mais l'abondance de la production indique qu'autour de ces questions liées à l'évolution des sociétés africaines, Elias y retrouve un écho puissant et un renouvellement décisif des travaux qu'il consacra aux sociétés européennes.
" Jean-Bernard Ouédraogo.
L'histoire du concept d'« afrocentricité » est au coeur d'un ensemble de circulations et de traductions qui replacent l'Atlantique Noir à l'intérieur de problématiques esthétiques, sociales, épistémiques, institutionnelles et politiques plus globales.
Forgé dans le monde universitaire nord-américain, le concept afrocentricity (et non afrocentrism) est développé par Molefi Kete Asante dans le livre The Afrocentric Idea (1998). Il prolonge une histoire intellectuelle ouverte par les travaux sur l'Egypte pharaonique de Cheikh Anta Diop et de George G. M.
James, et marquée par le rejet de ces productions à l'intérieur du monde universitaire institutionnel européen/occidental.
Ce concept se déploie à l'intérieur d'une double démarche, critique et positive. Il s'agit, dans un premier temps, de questionner le statut des discours construits par un monde universitaire considéré comme eurocentré sur l'Afrique et plus spécifiquement sur une Afrique « dite noire ». Et de manière positive, de reconquérir et de déployer une agency africaine, au coeur de la production des savoirs. La critique radicale de l'eurocentrisme africaniste ouvre un espace pour étudier le passé classique africain et développer le champ des humanités africaines.
L'enjeu de ce numéro de Tumultes n'est pas de s'inscrire dans le paradigme afrocentrique ni de le prolonger. Il sera d'analyser le déploiement et les retraductions d'un tel concept non seulement dans le champ scientifique (philosophie, historiographie) mais aussi dans celui des pratiques sociales (dans les Amériques, l'Europe et l'Afrique). Plusieurs orientations problématiques seront privilégiées :
- interroger, en elles-mêmes, les circulations entre les théories universitaires afrocentriques et les pratiques sociales qui les investissent dans des contextes géographiques différents.
- analyser la manière dont l'idée de contre-savoirs est théorisée au sein du paradigme afrocentrique - penser le lien entre savoir et soin dans le cadre de situations traumatiques liées aux contextes de l'esclavage, des colonisations et des violences produites par le discours de la « race ».
Frantz Fanon peut être considéré comme le précurseur de la théorie post-coloniale. Ce numéro de Tumultes se propose d'explorer les pistes tracées depuis la période de la décolonisation. Il rassemblera certains textes écrits à partir de présentations faites au colloque organisé par le C.S.P.R.P. à l'automne 2007 « Penser aujourd'hui à partir de Frantz Fanon ». Y seront joints un certain nombre d'articles qui viendront compléter ces perspectives, ouvrant à des problématiques telles que la question de l'Empire et de l'État ou celle du rapport entre genre et citoyenneté en post-colonie. Il s'agira d'abord de reprendre les analyses de Frantz Fanon sur le phénomène colonial, dans sa complexité politique et psychologique (Harbi, Murard, Yacine), puis à partir de Fanon de poser la question des assignations identitaires, assignations raciales, nationales, ou sexuelles (Basto, Guimaraes, Marton, Rocchi). Enfin sera posée la question de ce qu'il en est d'une citoyenneté post-coloniale, avec toute la dimension du rapport Empire/État que cela implique, et la nécessaire prise en compte de la construction du masculin et du féminin (genre) dans l'élaboration de cette citoyenneté (Banerjee, Chatterjee, McFadden, Menon, Samaddar). Quelques-uns des auteurs de ces articles vivent et écrivent en France - dont deux qui sont originaires d'Algérie -, les autres vivent en Afrique, en Israël, au Brésil, aux États-Unis, en Inde. C'est dire la composante largement internationale de ce numéro.
Négligé dans les études spinozistes, l'art est une partie du savoir programmé par le jeune Spinoza et révèle son statut.
Avec Spinoza, la Méthode désigne l'art de former le vrai plus facilement et suivant un certain ordre, c'est-à-dire la philosophie à l'oeuvre. Au départ, chacun dispose d'au moins une idée vraie donnée, puis est en mesure d'élaborer des ouvrages intellectuels raffinés. Associée à différents registres de l'art de produire des choses difficiles, l'expérience de la production matérielle contribue ainsi à expliquer comment l'entendement se donne ses idées.
Dans cette perspective, il convient d'interroger certains enjeux essentiels du spinozisme : l'expérience du corps productif, l'art de concevoir et d'imaginer, l'art du récit, le herem, les Vies de Spinoza. Réarticulés, ces thèmes sont révélateurs du projet philosophique spinozien, inséparable de l'image du philosophe artisan et des questions éthiques et politiques du jeune Spinoza : peut-on se sauver tout seul par l'activité intellectuelle ? Que devient le corps lorsque l'esprit forme le vrai ? Cette lecture souligne des points d'entrée dans l'oeuvre spinozienne et, plus largement, nourrit la réflexion sur le statut des premiers écrits philosophiques.
Il paraît légitime de déterminer comment évoluent des questions dans les différents ouvrages d'un philosophe. Mais on peut suivre un parcours dans son oeuvre en tenant compte de potentialités de pensée esquissées dès l'origine : elles portent un éclairage singulier sur une philosophie en cours de formation et sur ses points d'ancrage dans des traditions.
" La philosophie a perdu son aura " déclare Wittgenstein à ses étudiants de Cambridge en 1930, au moment même où Walter Benjamin évoque la perte d'aura de l'art.
Il s'est produit selon le philosophe viennois une " torsion " dans l'histoire de la philosophie, qui se trouve coïncider avec l'avènement de ces Temps Modernes auxquels il ne souscrit qu'avec résignation. La nouvelle philosophie a selon lui le même rapport avec l'ancienne que la chimie avec l'alchimie, car il existe dorénavant une méthode philosophique, un savoir faire bien délimité, et du même coup des philosophes " de métier ".
Cette professionnalisation est en même temps une " réduction " : " Philosophy is now being reduced to a matter of skill ", et, ajoute-t-il avec une tonalité à la Spengler, " c'est un phénomène caractéristique d'une époque de culture déclinante ou sans culture " ; en effet " une fois la méthode trouvée, les possibilités pour la personnalité de s'exprimer sont corrélativement restreintes ". Pourquoi Wittgenstein est-il si ambivalent sur cette philosophie désenchantée, modeste, déflationniste, des Temps modernes, qui est aussi en partie la sienne ? Plus que jamais, donc, il nous faut nous poser la question, non de l'héritage laissé par Wittgenstein - il est immense -, mais de la bonne façon, pour nous, d'en hériter.
Durkheim prononce son cours sur le contrat social de rousseau à l'université de bordeaux, oú il enseigne la pédagogie et les sciences sociales de 1887 à 1902.
Il présente la pensée sociale de rousseau comme une source inspiratrice et un noeud de problèmes. peut-on à la fois soutenir que les individus sont le fondement de l'autorité politique et affirmer la supériorité de la loi sur l'individu ? quel individualisme la société moderne tend-elle à dissoudre ou à consacrer ? c'est le sociologue autant que l'homme impliqué dans l'affaire dreyfus qui engage avec le théoricien de la volonté générale un dialogue sans concession.
De la phénoménologie augustinienne parcourue dans les Confessions disons qu'elle serait celle du désastre et qu'elle dessine les contours d'un moi à la fois sujet, observateur et objet du désastre.
La conceptualisation si elle peut tenir dans la désignation générale du moi, en dégage et en dessine une structure. Il est ce qui se révèle à soi-même dans la distance éprouvée à son objet. Pourrait-on dire alors que s'il n'y avait cette distance il n'y aurait pas de moi ? Ce qui, prolongé, amènerait la question jusqu'à envisager si, une fois Dieu atteint, il y a encore du moi ? Que le moi se découvre à soi-même dans la distance, en fait un être du manque qu'il tenterait de résoudre, sous l'impulsion de ses volontés liantes, dans la liaison dont le signe et son prolongement le mot seraient la tentative.
Mais que l'expression liante soit, par-delà la possession envisagée de l'objet, une expression de soi, introduit les Confessions à être la forme élaborée de ce dont le corps à la recherche de ses membres est le schème. Une expression de soi comme être délié en quête de la liaison. La confession est alors à la fois parcours de la déliaison à la recherche du lien, parcours du moi jusqu'à Dieu, et parcours de la spatialité jusqu'à la temporalité.
Zalmen gradowski faisait partie de ces " équipes spéciales ", sonderkommando en allemand, qui, assurant le fonctionnement des chambres à gaz et des crématoires d'auschwitz-birkenau, assistaient aux opérations de gazage.
En écrivant au coeur de l'enfer, gradowski témoigne de la disparition de son peuple et de tout ce que cette disparition entraîne avec elle. en ce sens, à la valeur historique de ce document, s'ajoute une remarquable valeur de transmission de la culture et du monde que gradowski voit disparaître devant ses yeux. l'étonnante qualité de ce texte vient de la vocation d'écrivain que l'auteur avait déjà manifestée avant-guerre, sans que la possibilité de publier lui soit donnée à temps ; accomplissement tragique, il ne réalise son destin littéraire que dans des conditions d'existence infernales.
Gradowski rédige ce texte en 1944 et il l'enfouit près d'un crématoire avant d'être assassiné. infortune de la mémoire, le manuscrit, découvert après-guerre, n'est édité en yiddish en israël que tardivement (éd. wollnerman, 1977) et seuls quelques extraits sont, par la suite, traduits aux etats-unis. cette édition française est la première édition intégrale, disponible publiquement, de au coeur de l'enfer.
Guerre mondiale. Au point de développer à partir des années trente une véritable anthropologie, motivée d'ailleurs aussi par le déploiement de sa grammaire philosophique, qui exige comme arrière-plan un ensemble de remarques consacrées à l'humain, ses réactions, son éthologie, ses us et coutumes, ses pratiques régulières etc. C'est sur ce fond notamment que se détache, pour Wittgenstein, la physionomie de ce qu'est " suivre une règle ", qu'elle soit mathématique ou sociale.
I - Hannah Arendt dans le monde
Wolfgang HEUER : " Exercer une influence, moi ? " Hannah Arendt en Allemagne : histoire d'un rapprochement difficile
Frédérique ARON et Zhang YAN : Arendt en Chine : Etat des lieux : introduction et recherche
Steven ASCHEIM : Introduction à Hannah Arendt in Jerusalem (1999)
Yotetsu TONAKI : La réception de Hannah Arendt au Japon
Vlasta JALUŠIoe : Les éléments de la tradition en question : Hannah Arendt en ex-Yougoslavie et dans les Etats successeurs
II - Des analyses venues d'ailleurs
Franco FISTETTI : Hannah Arendt à l'âge de la mondialisation
Kirstie McCLURE : Encore la question sociale
Hourya BENTOUHAMI : Le cas de Little Rock. Hannah Arendt et Ralph Ellison sur la question noire
Lucas MARTIN : Le mensonge organisé pendant la dernière dictature argentine. Penser la société argentine avec H. Arendt
Julia SMOLA : La politique sans mots : parler et agir en Argentine dans les années 1990
III - D'une langue à l'autre
Christian FERRIÉ : Une politique de lecture : Arendt en allemand
La théologie de la libération connaît aujourd'hui un véritable renouveau, elle se globalise et se déploie dans de multiples domaines, et à travers des horizons de croyance divers mais convergents.
De nouveaux rapports du religieux au politique s'affirment, et vont à l'inverse de l'idée selon laquelle les religions constituent par essence un obstacle à l'émancipation. Ce sont quelques-unes de ces dissidences qui font l'objet de la nouvelle livraison de Tumultes. Y sont mises en évidence des courants de pensée, des luttes sociales ou politiques à visée émancipatrice, appartenant au passé ou bien tout à fait actuels, portés par des convictions religieuses ou articulées avec elles. On entend ainsi aborder la réflexion générale sur l'émancipation en reprenant le fil d'une tradition de pensée qui a été celle d'Ernst Bloch.
Tumultes propose une enquête en deux volumes sur la question de l'État dans le contexte de la globalisation économique, politique et culturelle. Le point de départ en est une alternative sommaire qu'on entend interroger. D'un côté, le domaine politique est réduit à la seule considération du rôle de l'État et de ses institutions, à l'exercice des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. D'un autre côté, l'expérience politique ordinaire est celle des mouvements de contestation ou de résistance contre l'État et son appareil gouvernemental, comme si le politique relevait d'une logique totalement a-étatique d'émancipation. Partir de cette alternative revient à s'interroger sur ce que seraient les politiques d'émancipation si elles ne se référaient pas à l'État contre lequel elles entrent en lutte mais sur lequel elles prennent appui. Car aucune action contestatrice, y compris celle qui remet radicalement en cause le pouvoir ou le gouvernement, ne peut faire l'économie d'une interpellation de l'État, ce qui est aussi une manière d'en appeler à l'État contre le pouvoir ou contre le gouvernement, voire parfois contre tel ou tel aspect de la société.
De quel État s'agit-il donc ? L'efficacité des institutions les plus fondamentales de la société repose sur la garantie apportée par la puissance publique : justice, police, santé, sécurité sociale, politique culturelle, éducative ou de recherche, collectivités territoriales, etc. Cette conception de l'État, qui fut élaborée en Europe et exportée dans le monde a aussi un revers indissociable : l'effritement de l'État-providence sous les coups de la globalisation économique entraîne le renforcement de l'appareil de contrôle et de domination. Et ce sont aussi les effets de l'exportation de cette ambivalence de l'État qu'il convient d'examiner, de façon à regarder l'État depuis son destin colonial et postcolonial.
Trois aspects sont donc retenus pour cette première livraison, qui sera complétée d'une autre plus spécialement attachée à analyser la corruption de l'État :
- L'élaboration philosophique du concept d'État à l'époque moderne - Le rapport constitutif de l'État à la colonialité et son devenir postcolonial
Lire les cultures propose une réflexion sur les problèmes soulevés par la fixation et la transmission de connaissances concernant des cultures différentes de la nôtre.
En prenant l'exemple du texte ethnographique, l'ouvrage soulève une série d'interrogations concernant aussi bien sa rédaction que sa réception : comment peut-on décrire une culture qui ne partage pas notre histoire, notre langue et notre vision du monde ? avec quels mots et quels concepts ? jusqu'à quel point notre conditionnement culturel déforme-t-il toute tentative de description ? dans quelle mesure ce conditionnement intervient-il également au moment de la lecture du texte ethnographique ? quelle sorte de connaissance de l'autre culture demeure-t-elle dès lors possible après la lecture ? et, surtout, de quelle façon peut-on reconstruire la représentation d'une culture autre à partir d'un texte écrit dans une langue familière ? a travers un parcours interdisciplinaire traversant l'épistémologie des sciences humaines, la philosophie du langage, l'herméneutique, la linguistique et l'anthropologie, lire les cultures développe une conception de la connaissance et du fonctionnement du texte scientifique en mesure de répondre à ces interrogations.
Dans cet essai, Didier Gazagnadou examine la question de la diffusion des techniques et ses effets sur les cultures. Les techniques de transport et de communication occupent une place déterminante. L'auteur procède à une certaine réhabilitation du courant diffusionniste et à un examen des raisons pour lesquelles l'anthropologie a rejeté ce courant et la question des diffusions. L'auteur montre que se sont les catégories d'Orient et d'Occident qui, pour beaucoup, ont bloqué le développement des réflexions sur les diffusions eurasiatiques. Les exemples sont pris en Eurasie, et en particulier, dans les mondes iranien et arabe qui furent à l'interface de l'Asie et de l'Europe. L'Eurasie occupe en effet une place centrale car y sont apparues des techniques déterminantes pour l'histoire de l'humanité ; techniques qui se sont ensuite progressivement diffusées dans l'ensemble du monde. Enfin, l'auteur aborde la question des diffusions techniques dans le monde contemporain où, du fait de la mise en place mondiale du même système industriel, il observe l'apparition d'un mode de subjectivation partagé par un nombre croissant d'individus issus de cultures différentes.