Occupant une place éminente dans le panthéon contemporain des sciences sociales, Max Weber ne cesse de faire l'objet d'appropriations contradictoires qui tendent à décontextualiser ses recherches. Cet ouvrage, par contraste, offre la traduction de son premier texte épistémologique, inédit en français, accompagnée de documents et de correspondances, et permet ainsi de replacer la réflexion de Weber dans les débats de son temps. Cet article publié en plusieurs parties entre?1903 et 1906, exactement contemporain de L'Éthique protestante et l' esprit du capitalisme, montre comment un sujet qui pourrait sembler uniquement technique - la méthode spécifique des sciences de la culture - est indissociable d'enjeux académiques et politiques beaucoup plus larges.
Loin d'apparaître comme un partisan d'une sociologie ?compréhensive? opposée à l'?explication?, Weber fait de la compréhension des motivations des agents sociaux une modalité de l'explication causale. Surtout, à travers sa promotion de l'expression ?sciences de la culture? (Kulturwissenschaften), il ne se contente pas de garantir une spécificité à ces sciences : il se saisit d'une question toujours très brûlante, celle de la ?signification culturelle? du capitalisme, c'est-à-dire de la transformation de l'homme par le mode de fonctionnement de l'économie.
Les savoirs des sciences humaines et sociales Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l'art, économie, sciences politiques, droit, archéologie... : les disciplines couvertes par les sciences humaines et sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d'analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l'ont habité, l'habitent et l'habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire monde commun , pour reprendre la formule de Hannah Arendt ?
L'ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l'Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d'outils permettant aux lecteurs de penser, d'habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs.
Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.
L'arrivée de nombreux migrants aux portes de l'Europe depuis 2010 a suscité d'âpres débats. Entre la peur et la compassion, y a-t-il place pour un principe partagé, universel, qui ferait de ces déplacés, venus de Syrie, de Libye, d'Ukraine, plutôt qu'un problème, une cause essentielle ?
Au nom de quoi s'engage-t-on pour des personnes qui ne sont pas ou pas seulement des travailleurs immigrés ou des réfugiés politiques , mais simplement des personnes en mouvement ? Changer notre relation aux migrants, reconnaître l'existence aux frontières d'une scène politique, et enfin voir la beauté profonde de ces mondes de Babel : voilà ce à quoi Michel Agier nous invite, dans cet essai personnel et engagé.
Ivan Illich Dans la vigne du texte Du lisible au visible : la naissance du texte suivi de ABC, l'alphabétisation de l'esprit populaire avec Barry Sanders "?Le texte livresque est mon foyer... Ce foyer est aujourd'hui aussi démodé que la maison où je suis né, alors que quelques lampes à incandescence commençaient à remplacer les bougies. Un bulldozer se cache dans tout ordinateur, qui promet d'ouvrir des voies nouvelles aux données, substitutions, transformations, ainsi qu'à leur impression instantanée. [...] Comme les signaux d'un vaisseau fantôme, les chaînes numériques forment sur l'écran des caractères arbitraires, fantômes, qui apparaissent, puis s'évanouissent. De moins en moins de gens viennent au livre comme au port du sens. Bien sûr, il en conduit encore certains à l'émerveillement et à la joie, ou bien au trouble et à la tristesse, mais pour d'autres, plus nombreux, je le crains, sa légitimité n'est guère plus que celle d'une métaphore pointant vers l'information... La lecture livresque a une origine historique, et il faut admettre aujourd'hui que sa survie est un devoir moral...?"
Les séries télévisées, comme toute «?culture populaire?», transforment la définition de l'art?: d'objet de distinction, il se fait oeuvre d'éducation morale et politique. En mettant en avant des questions politiques, et en y apportant des réponses radicales, elles éveillent les sensibilités sur des enjeux contemporains majeurs.
Menace terroriste et espionnage (Homeland, The Americans, Le Bureau des légendes), ambition personnelle des dirigeants (Game of Thrones, Baron Noir), éthique du capitalisme néolibéral (The Good Place), féminisme et intersectionnalité (Orange is the New Black, I May Destroy You, Killing Eve), conflit israélo-palestinien (Fauda, Our Boys), racisme et antisémitisme (Lupin, Watchmen, The Plot Against America), impact de la fiction sur la réalité géopolitique (Serviteur du peuple), fatalité des inégalités sociales (The Wire, Engrenages), menace apocalyptique (The Walking Dead), dérives des nouvelles technologies (Black Mirror), violence du système carcéral (Orange is the New Black)?: sur tous ces éléments, les séries fournissent des référents culturels communs forts, qui peuplent conversations ordinaires et débats politiques. Leur impact sur les régimes démocratiques, conçus comme espaces de délibération, de contestation et de transformation sociale, est majeur.
Un décryptage d'une vingtaine de séries pour en souligner la puissance éthique et politique.
On ne se comprend pas. Jamais tout à fait en tout cas. En amour, en amitié, comme dans les sphères administratives, politiques ou professionnelles, la compréhension parfaite et réciproque est rare.
Pourquoi l'incompréhension est-elle la norme dominante de nos relations??
Dans cet ouvrage de vulgarisation, Éric Dacheux apporte des réponses claires, en mobilisant tout le savoir scientifique des sciences de l'information et de la communication.
Une fois réglées les questions de définition de la communication, de son ambivalence fondamentale, il décrypte les concepts clés de message, d'écoute, d'identité ou de contexte. Surtout, il s'attache à comprendre les difficultés de la relation humaine, celle qui nous permet de vivre dans un monde commun, sans occulter le rôle inquiétant des outils numériques.
Un livre clair et concis pour comprendre le langage et les concepts de la communication.
Comment expliquer les paradoxes - vus d'Europe, du moins - d'un pays où coexistent une civilité cordiale et l'application de la peine de mort, l'excellence scientifique et la pratique religieuse instituée (In God We Trust), un pays où l'usage de la cigarette est plus souvent interdit que la détention d'armes à feu et où des inégalités croissantes contredisent une égalité pourtant revendiquée comme un trait distinctif ? Comment comprendre, encore, que cet État relativement faible au sein de ses propres frontières se soit néanmoins imposé comme la seule superpuissance au niveau mondial ?
Mobilisant et prolongeant la théorie des processus de civilisation de Norbert Elias, Stephen Mennell retrace les dynamiques constitutives du développement des États-Unis depuis la colonisation de l'Amérique, et décrypte leurs mythes fondateurs, de la ?destinée manifeste? au ?rêve américain?.
Un grand livre d'histoire et de sociologie.
Traduit de l'anglais par Claire Le Strat
Parfois déconsidérée, au cours du XXe?siècle, parce que pensée comme la simple écume de processus historiques et sociaux plus profonds, la notion d'événement semble avoir, depuis, bénéficié d'un évident retour en grâce au sein des sciences humaines et sociales - en histoire et en philosophie au premier chef, mais aussi en sociologie, en anthropologie, en linguistique ou en psychanalyse. La référence à l'événement, très utilisée aujourd'hui, donne cependant lieu à des investissements multiples, suppose différentes manières d'articuler le temps et l'histoire, met en jeu des conceptions non équivalentes de la subjectivité, et sous-tend des compréhensions de la rationalité très diverses.
Mobilisant tour à tour les analyses de Fernand Braudel et de Reinhart Koselleck, de Jacques Rancière et de Michel Foucault, d'Henri Bergson et de Gilles Deleuze, de Walter Benjamin et d'Hannah Arendt, de Sigmund Freud et de Claude Lévi-Strauss, les essais qui composent ce volume explorent la cartographie complexe et variée des questionnements que la notion contribue à faire émerger et à nourrir.
Le sociologue Mita Munesuke (1937-2022) occupe une place centrale dans le paysage intellectuel japonais. Familier des auteurs français, esprit original et rigoureux, il a exercé une influence déterminante sur les sciences sociales de l'archipel par ses écrits et son enseignement. Son oeuvre, en partie traduite en anglais, reste méconnue en France.
Ce livre est la traduction d'un classique de la sociologie japonaise réunissant deux de ses textes?: «?L'enfer du regard?» et «?Les chants de la nouvelle nostalgie?».
«?L'enfer du regard?» revient sur une affaire de meurtres en série commis par Nagayama Norio, en 1968, une affaire qui a fait frémir d'effroi le Japon tout entier. Les victimes sont abattues par un «?tireur fou au pistolet?». Le coupable, 19 ans, est un mineur «?isolé?» qui n'a d'autre mobile que la haine et la colère qu'il porte en lui depuis l'enfance. Rédigé dans un style singulier, ce texte parvient, à partir d'une affaire particulière, à mettre en relief le fonctionnement global de toute société moderne, à dégager la part du social dans ce qui semble relever à première vue de troubles psychologiques strictement individuels.
Dans «?Les chants de la nouvelle nostalgie?», Mita établit une véritable «?méthode?» pour comprendre la société de masse du Japon contemporain. S'appuyant aussi bien sur la «?signification existentielle des faits statistiques?» que sur les chansons populaires, il éclaire le déracinement rural, la transformation du pays natal, le démantèlement de l'ordre villageois pré-moderne et du système de la famille élargie.
Ces deux textes, traduits du japonais par Yatabe Kazuhiko (Université Paris Cité) et Claire-Akiko Brisset (Université de Genève), sont prolongés par une réflexion du sociologue Ôsawa Masachi.
Les stars du football comptent aujourd'hui parmi les salariés les mieux payés au monde et les personnalités médiatiques les plus en vue. Source de tant de discussions et de commentaires, cette situation n'est pourtant jamais interrogée dans ses fondements mêmes?: pourquoi exceller balle au pied peut-il mener - à condition d'être un homme - à la richesse et à la gloire?? Qu'est-ce qui explique que des «?exécutants?», issus pour majorité des classes populaires, se voient attribuer une telle valeur économique et symbolique??
La réponse suppose de multiplier les angles de vue et les sources, de la fin du XIXe?siècle à nos jours. Cette vaste enquête revient ainsi sur la naissance du football pour décrire comment ce nouvel espace de consécration s'est institué. Elle décrypte ensuite les dynamiques de valorisation, impulsées par les présidents de clubs, les médias et les spectateurs, qui ont concouru à sa popularité croissante. Elle explore les conditions d'émergence d'une configuration salariale favorable aux joueurs et explique, enfin, pourquoi une petite minorité d'entre eux capte une grande partie des flux d'attention et d'argent qui circulent dans ce sport collectif.
En apparence triviale, la question de l'importance conférée aux joueurs conduit à porter un tout autre regard sur le football. Plus largement, elle nourrit une réflexion novatrice sur la production de la valeur et la fabrique contemporaine des «?grands hommes?».
La France, tôt confrontée à l'immigration, et marquée aussi par son passé colonial, a vu monter la prégnance de la figure de l'Autre dans la vie de tous les jours, comme au coeur du discours politique.
Qu'il soit issu du regroupement familial, étudiant, travailleur qualifié ou non qualifié, travailleur temporaire, frontalier, réfugié, demandeur d'asile, sans papiers, le migrant incarne souvent une figure menaçante, toujours sujette aux mêmes stéréotypes. Au fil des diverses vagues d'immigration, les critères de l'altérité demeurent intacts?: la religion (des Polonais «?bien trop catholiques?» dans la France laïque de la Troisième République aux musulmans «?islamistes?» ), la violence (du «?couteau facile?» des Italiens dans les années 1890 au terrorisme importé de Syrie), la concurrence déloyale sur le marché du travail (du «?un million de chômeurs, c'est un million d'immigrés de trop?!?» des années 1970 au plombier polonais).
En se basant sur les articles de journaux, les proclamations politiques, les ouvrages de sciences sociales, mais aussi les romans et films, Catherine Wihtol de Wenden montre comment la mémoire collective concernant l'image de l'Autre s'est construite de 1870 à nos jours. Et propose quelques pistes pour en finir avec la figure péjorative du migrant?: une citoyenneté inclusive, la lutte contre les discriminations, la construction d'une mémoire du vivre ensemble par la mise en musées.
Dans la société française contemporaine, la ménopause apparaît comme une étape-clé du vieillissement des femmes, souvent vécue avec angoisse, et prise en charge par la médecine. On pourrait penser que c'est une façon universelle de considérer un événement qui, après tout, l'est aussi. Il n'en est rien. Selon les sociétés, l'arrêt des menstruations peut être un accroissement des possibles et des pouvoirs, l'avènement d'une sexualité enfin libérée de la fertilité, ou même un non-événement, ne faisant pas l'objet d'une attention particulière, au point qu'il n'existe pas de mot pour le désigner.
Ce livre offre un point de vue original, celui des sciences sociales, d'autant plus précieux que les représentations de la ménopause se nourrissent presque exclusivement des discours médicaux, qui la considèrent comme une carence, associée à un ensemble de troubles et de risques. Le phénomène naturel devient alors une « maladie » qu'il faut traiter. Face à ce discours « savant » alarmiste, les expériences des femmes apparaissent plurielles et les liens sociaux se révèlent aussi importants que le vécu corporel.
Une belle enquête sur un sujet tabou.
Longtemps perçus comme relevant de l'enfance ou du simple divertissement, les jeux ont récemment envahi les espaces professionnels, dans l'industrie comme dans les services. Mais que penser des jeux de rôle désormais utilisés par les services de ressources humaines dans leur recrutement ? De ces salariés se pourchassant dans les couloirs pour se tirer dessus avec des projectiles en plastique, ou des compétitions ludiques qui s'insèrent dans l'activité productive elle-même ? En favorisant ce type de pratiques, l'employeur cherche-t-il simplement à instaurer une ambiance décontractée favorable au travail ?
Revenant sur l'émergence et le développement de ce qu'il appelle le "?management distractif?", cet art de gouverner par le divertissement et la diversion, Stéphane Le Lay interroge les ressorts et les effets de ces dispositifs en apparence ludiques. Prenant le contrepied des analyses complaisantes du "?fun at work?", il met en lumière, à partir de différents sites d'enquête, la façon dont les jeux managériaux instaurent en réalité une rivalité permanente au détriment de la coopération, et consacrent la concurrence entre individus au sein même des organisations.
Près de 600 notices, une équipe de 126 auteurs venus de vingt pays et réunissant les meilleurs spécialistes de Pierre Bourdieu, sociologues, politistes, philosophes, historiens, anthropologues, littéraires... Par sa dimension collective, internationale et interdisciplinaire, ce Dictionnaire renouvelle en profondeur l'état des savoirs sur l'auteur de sciences sociales aujourd'hui le plus cité au monde.
Les entrées portent aussi bien sur les concepts, objets de recherche, méthodes, disciplines et courants intellectuels avec lesquels Bourdieu a dialogué, que sur ses auteurs de prédilection et ses rapports avec ses contemporains, ses ouvrages, les revues, éditions, associations qu'il a fondées, les événements marquants comme la guerre d'Algérie, Mai 68, les grèves de 1995, ainsi que les principaux pays de réception de son travail (de l'Europe à la Chine et au Japon en passant par l'Amérique latine, les États-Unis et le monde arabe). S'y trouvent également abordés, entre autres aspects biographiques, la passion de Bourdieu pour le rugby ou son aspiration de jeunesse à devenir chef d'orchestre, ses relations avec ses professeurs (Raymond Aron, Georges Canguilhem, Jules Vuillemin), les groupes qu'il a créés, sans oublier ses engagements politiques, qu'il concevait sous la forme d'un «?intellectuel collectif?». Forme que ce dictionnaire incarne aussi à sa façon...
Comité éditorial?: François Denord, Julien Duval, Mathieu Hauchecorne, Johan Heilbron, Franck Poupeau. Coordination éditoriale?: Hélène Seiler.
L'intime est au coeur de l'histoire du sujet en Occident. Fruit de conquêtes individuelles ou collectives, il devient depuis la Révolution française un enjeu politique majeur, considéré comme une menace par le pouvoir en place ou la société dominante. Ceux-ci entendent limiter et modeler cet espace privé selon des normes conformes à leurs valeurs, bien conscients des risques de développement de ces « jardins secrets ».
Au cours des années 1970, l'intime, symbole de l'émancipation et de l'autonomisation des individus, devient un nouvel espace de lutte pour défaire l'étau qui a longtemps enserré nos corps. Revendiquer une intimité, c'est affirmer un moi et s'affranchir des tutelles et des mécanismes d'assignation. De la chambre conjugale aux cheveux, du rêve au tatouage, du journal personnel au clitoris, l'intimité n'a cessé de se reconfigurer en fonction de l'évolution des modes de vie. Mais l'émergence récente de technologies inédites bouleverse aujourd'hui le rapport au privé et à l'exposition de soi. L'ère du smartphone n'a-t-elle pas sonné le glas de l'intime ?
Le 28 octobre 2008, la multinationale Molex Inc. annonce l'arrêt prochain de la production de connectique sur le site Villemur-sur-Tarn (acheté quatre ans plus tôt) et la délocalisation de l'activité en Asie du Sud-Est. En cette année marquée par la crise financière, 2 000 usines ferment leurs portes en France. Aussitôt, les salarié·es se mettent en grève, entamant un long conflit social, poursuivi ensuite sur le terrain judiciaire, qui parvient à capter l'attention des médias et des politiques.
Cette enquête au long cours menée auprès des ouvriers et ouvrières, techniciens et administratives, contremaîtres et cadres de management français ou anglo-saxons aborde de front une question souvent laissée de côté : en quoi une telle mobilisation révèle, met en jeu et par certains aspects bouscule les masculinités et les féminités des actrices et des acteurs, ainsi que les relations nouées entre eux ? L'imbrication du genre et des classes sociales est ainsi mise en lumière, entre normes partagées, modèles convergents ou opposés, affirmation et transformations des rapports de pouvoir.
À rebours des lectures qui voient dans l'attention aux rapports de genre une prise de distance avec les analyses en termes de classes, ce livre démontre combien elle peut au contraire enrichir l'explication sociologique - tant le genre construit la classe, et vice-versa.
Cet essai part d'un constat paradoxal?: alors que, depuis deux siècles, les sciences sociales ont accumulé un savoir considérable, on leur conteste encore trop souvent un statut de science à part entière.
Alain Testart bat en brèche bien des idées reçues. Parcourant l'histoire de l'optique géométrique ou de la théorie de la relativité, il montre que si toute réflexion en science débute par la subjectivité, aucune ne saurait s'y cantonner. Les sciences sociales ne font pas exception?: pour peu qu'elles s'efforcent de «?désubjectiviser leur objet?» et parviennent à développer, par un comparatisme ciblé, leurs capacités théoriques et explicatives, elles pourront dépasser l'état où se trouvait l'astronomie avant Galilée et Newton.
Telle est la thèse centrale de cet essai puissant et jubilatoire.
Dans cet ouvrage posthume, Alain Testart s'attache à poser les bases d'une sociologie générale permettant de classer les sociétés les plus diverses et de penser leur évolution au-delà des champs disciplinaires établis (ethnologie, histoire, sociologie).
C'est par la relecture de Tocqueville, Marx et Durkheim, qui n'avaient pas hésité à chercher la cohérence interne des sociétés et à en dégager en quelque sorte des types sociaux, qu'il commence par préciser sa méthodologie. Celle-ci consiste à définir l'« architectonique d'une société », c'est-à-dire les « rapports sociaux fondamentaux » conditionnant les autres rapports et permettant d'expliquer les domaines du politique, de l'économie et du religieux.
Pour montrer que ces « rapports sociaux fondamentaux » relèvent d'une forme de dépendance ou au contraire d'indépendance, l'auteur étudie trois types de société : les Aborigènes d'Australie, la société féodale et la société moderne. Il élargit ensuite son examen tant aux civilisations classiques qu'aux sociétés sans État, et souligne par exemple combien la liberté des « modernes » n'est pas celle des Grecs, ni celle des Amérindiens.
Alain Testart conclut cette fresque monumentale par une « systématique » des formes de dépendance et des types de société, et propose deux lois sociologiques.
Texte établi par Valérie Lécrivain et Marc Joly.
Le numérique, OK, on connaît. Mais quelle science se cache derrière ? Et quels sont les domaines de recherche ? En 12 portraits de chercheuses, enseignantes-chercheuses et ingénieures, découvrez la richesse des thématiques dans les sciences du numérique d'aujourd'hui et de demain, et explorez les chemins qui y mènent. Passion, dynamisme, humour pour dépasser les embûches, et volonté de faire bouger les lignes : inspirez-vous de leurs parcours !
La cellule parité-égalité de l'INS2I-CNRS se mobilise pour accélérer l'évolution vers la parité dans les laboratoires de recherche et déconstruire les idées reçues sur les sciences du numérique.
D'où vient l'expression "?devoir de mémoire?" ? Comment s'est-elle imposée dans notre langage courant ? À partir de nombreux entretiens, d'archives inédites et de sources numériques massives, Sébastien Ledoux retrace la trajectoire de cette formule qui éclaire la relation souvent douloureuse que la France entretient avec son histoire récente.
Forgé à l'orée des années 1970, le terme investit le débat public dans les années 1990, accompagnant le "?syndrome de Vichy?" et la réévaluation du rôle de la France dans la mise en oeuvre de la Solution finale, avant d'être repris pour évoquer les non-dits de la mémoire coloniale. Doté d'une forte charge émotive, il traverse les débats sur la recomposition du récit national, la place du témoin, le rôle de l'historien, la patrimonialisation du passé ou la reconnaissance des victimes.
Ce sont les mutations de la société française des dernières décennies qui sont ici analysées par le biais de ses nouveaux rapports au passé que le "?devoir de mémoire?" est venu cristalliser et dont l'actualité est toujours brûlante.
Pourquoi n'avons-nous pas laissé Notre-Dame en ruines après l'incendie de 2019?? Comment fixe-t-on le prix du sol?? En quoi les enfants ne sont-ils pas des adultes?? Les réponses à toutes ces questions sont toujours le résultat de processus et de changements sociaux que l'on peut décrire et expliciter. Mais cela ne peut se faire qu'au prix de l'émergence d'une science du social unifiée.
Cette science du social, non fragmentée en «?sciences humaines et sociales?» et qui pense ensemble divers angles d'approche au lieu de les empiler, est en effet devenue incontournable pour décrire et connaître les mondes humains. Pour que cette science du social soit prise au sérieux, elle doit commencer par affirmer la nécessité de son objet, le social (et pas seulement les sociétés)?; elle doit afficher la même ambition épistémologique que toutes les autres sciences, sur le plan théorique comme sur celui de l'observation et de la collecte des données?; elle ne doit pas céder à la tentation de la spécialisation sur laquelle prospèrent les disciplines (économie, sociologie, géographie, histoire, etc.)?; elle doit montrer son efficacité à la fois explicative et prospective.
Promouvoir, y compris face au pouvoir politique, une science du social non entravée, non démembrée, non programmée, et dont la capacité de découverte reste intacte, afin d'éclairer autant que possible les citoyens sur des enjeux publics?: tel est l'objet du présent manifeste.
Cela est contre-intuitif, mais souvent nous ne pensons et n'agissons pas de façon rationnelle. Par exemple, après les attaques du World Trade Center, beaucoup d'entre nous ont eu peur de prendre l'avion et ont privilégié les déplacements en voiture lorsqu'ils étaient possibles. Pourtant la probabilité de mourir en avion est très inférieure à celle de mourir en voiture.
Pourquoi avons-nous tendance à accorder plus de poids aux informations qui confirment nos croyances qu'à celles qui les infirment ? Pourquoi les narrations construites par notre cerveau peuvent être parfaitement cohérentes et néanmoins totalement erronées ?
Bref, pourquoi sommes-nous biaisés ? Comprendre et savoir comment remédier aux biais cognitifs est fondamental car leurs conséquences tant au niveau individuel qu'au niveau collectif sont loin d'être anodines.
Maniement des probabilités, compréhension du hasard, prise de décision : dans chacun de ces domaines, l'influence des biais cognitifs est majeure. En s'appuyant sur de nombreux exemples de notre quotidien et dans un style très vivant, Vincent Berthet met en lumière notre rationalité limitée. Et montre comment certains acteurs en tirent parfois profit.
Une plongée au coeur de notre irrationalité.
Ella Fitzgerald, Nina Simone, Billie Holiday, Mary Lou Williams... Les femmes du jazz bénéficient-elles toutes du même crédit et de la même reconnaissance que ces icônes mondiales ? Cela n'est pas si sûr tant elles semblent marginalisées dans leur milieu, contrairement à leurs confrères masculins. Cette marginalisation est d'autant plus étonnante qu'elle est dénoncée par les professionnels eux-mêmes, qui la jugent contraire à l'esprit de liberté et de créativité du jazz.
Ils en sont néanmoins les acteurs, voire les actrices, même si c'est à leur corps défendant.
Cet ouvrage vivant rend compte de ce paradoxe. Fondé sur une enquête ethnographique passionnante, il fait également appel à l'entretien, au témoignage et à la presse.
Marie Buscatto décrit les difficultés que les chanteuses et les instrumentistes expérimentent en tant que femmes dans un milieu qui est en majorité « un monde d'hommes ». Son long et patient travail de terrain ajoute une étude de cas stimulante et inhabituelle au corpus des études qui ont tant enrichi notre compréhension des mondes du travail.
Y a-t-il une « juste taille » des villes et une « bonne échelle » des territoires de notre existence ? Les métropoles actuelles, lancées dans une extension sans limites, encombrées de gratte-ciel et de centres commerciaux, sont-elles la solution ? Faudra-t-il privilégier des villes plus petites ?
Depuis Platon, avec sa cité idéale de 5040 foyers, jusqu'à Ivan Illich, nombre de philosophes et d'intellectuels se sont penchés sur ces questions de la taille des villes, de leur mesure. Au-delà des statistiques, c'est bien une question existentielle et politique qui se pose à chacun d'entre nous.
Dans cet essai foisonnant, Thierry Paquot entrelace démographie, histoire, urbanisme, écologie et nous guide dans le labyrinthe des idées et des expérimentations : naissance et croissance des cités, utopies phalanstériennes de Fourier, garden-city d'Ebenezer Howard, shrinking cities américaines... Il nous initie aussi à la pensée de théoriciens souvent méconnus en France (Kohr, Schumacher, Bookchin, Bairoch, Magnaghi, Sale...), parmi lesquels les partisans du small is beautiful ou des biorégions.
Périple intellectuel et bibliographique, cet ouvrage propose des pistes concrètes pour définir une urbanité nouvelle, libre, respectueuse des humains et du monde vivant, des temps et des territoires.