Gallimard
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Édition de l'auteur
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Depuis trente ans, Erri De Luca, citoyen engagé sur le plan politique, écologique, social, reconstitue avec force et densité une histoire de l'humanité : de l'enfance livrée à elle-même au difficile apprentissage de la vie, des ruelles de Naples à l'âpre beauté de la nature, de l'amour sublimé, du poids de l'histoire aux drames contemporains, de la quête de sens au besoin de solidarité et de compassion, son oeuvre est universelle, magistrale, placée sous le signe de l'héritage et de la transmission. À travers un choix de textes (publiés ou inédits), la présente édition invite à découvrir le parcours de celui qui est entré en littérature «par accident» et qui, devant la maladie de son père, s'est résolu à s'adresser à un éditeur - «Quand j'écris, je chuchote parce que je pense qu'il est resté aveugle même là où il est, et qu'il n'arrive pas à lire la page derrière mon épaule. Il aimait les histoires et je suis encore là pour les lui raconter.» Pour De Lucas «écrire n'est pas un travail, c'est une façon d'être en compagnie et de rassembler les absents», et à l'aune des documents personnels placés au début du volume comme un pont entre sa vie et son oeuvre, c'est à un rendez-vous en tête à tête avec l'auteur italien que le lecteur est ici convié.
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Résider sur la terre : oeuvres choisies
Pablo Neruda
- Gallimard
- Quarto
- 7 Septembre 2023
- 9782072948831
Cinquante ans après sa mort, Pablo Neruda (1904-1973), Prix Nobel de littérature en 1971, s'impose encore en mythe monumental, en «témoin ardent» des événements politiques qui ont traversé le siècle : guerre d'Espagne, espoir (puis crise) communiste, lutte contre l'impérialisme nord-américain en Amérique latine, arrivée au pouvoir de Salvador Allende... Chaque fois présent, il a donné à entendre sa voix, tant par sa poésie - le Chant général en particulier - que par ses discours devenus célèbres. En faisant de Résidence sur la terre le pivot central d'une oeuvre foisonnante, cette édition propose de retracer la trajectoire poétique et intellectuelle de ce géant, au-delà de la légende, lui qui a participé aux principales mutations artistiques du XX? siècle - avant-gardiste de la première heure, compagnon de route des poètes espagnols de la Génération de 27 et précurseur de la poésie engagée. Son écriture originelle, d'une expression dense et sensuelle, célébrant la matière, basculera vers une simplicité marquée par une vision plus grave et ironique. À travers sa collaboration avec de nombreux artistes (Sergio Larrain, Antonio Quintana, Federico Garcia Lorca, José Venturelli), qu'on découvrira ici, cette écriture se dote encore d'une autre facette, méconnue, tel un miroir tendu par l'auteur, refl étant sa façon d'habiter le monde, de résider sur la terre.
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Les Voix de l'enfance : Oeuvres choisies
Françoise Dolto
- Gallimard
- Quarto
- 19 Octobre 2023
- 9782072934124
Les enfances, y compris la sienne, sont au coeur de l'oeuvre si ample de Françoise Dolto. Née en 1908 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne, la petite «Vava» semble avoir un destin tout tracé. On la voudrait rangée, elle dérange. Personne pour répondre à ses questions pressantes. À huit ans, elle déclare : «Je serai médecin d'éducation.» Bientôt la violence de la guerre, les deuils, la mort de sa soeur aînée ravagent l'équilibre familial. Rejetée par sa mère, Françoise réussit néanmoins à imposer son choix et s'engage dans des études de médecine. En deuxième année, elle s'effondre, une psychanalyse scellera son destin. En 1939, elle soutient sa thèse, Psychanalyse et pédiatrie, seize cas minutieusement observés et accompagnés de dessins, qui contient déjà en germe son oeuvre future. Pour elle, tout est langage, et ce depuis la vie prénatale. Jacques Lacan est impressionné par son aptitude à approcher la névrose et la psychose infantiles. Théorie et pratique, chez Françoise Dolto, vont de pair, l'une nourrissant l'autre : Le Cas Dominique en est la parfaite illustration. Elle ne cessera jamais de partager ses découvertes inaugurales avec son public favori : pédiatres, psychiatres, psychologues, parents et professionnels de l'éducation. Ses écrits répondent à une nécessité personnelle qui lui permet d'élaborer ses concepts fondamentaux, dont l'image inconsciente du corps sera le point d'orgue. Parallèlement, toujours poussée par un souci de prévention, elle accepte une émission de radio grand public. Son «parler vrai», le grain de sa voix, le charme unique de ses mots font merveille. Elle est ce médecin d'éducation qu'elle rêvait d'être. Elle a changé à jamais le regard que l'on portait sur l'enfance. Dans cette édition sont réunis les textes d'une pensée toujours vivante, en prise avec l'actualité la plus brûlante. Martine Bacherich, psychanalyste et auteure, en offre un éclairage sensible et inspiré.
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Ce volume parcourt cinquante années de l'histoire américaine, de l'avant-guerre aux années 1980, au sein de la communauté juive de Newark, une banlieue new-yorkaise. Une histoire parfois reconsidérée que le romancier se réapproprie sans souci de chronologie : l'Amérique de Philip Roth. Partant du mouvement de la contre-culture des années 1960 en lutte contre la guerre du Viêtnam (Pastorale américaine), il revient sur la guerre froide et la croisade anticommuniste des années 1950 (J'ai épousé un communiste), passe par le politiquement correct des années 1970-1980 (La tache), et se «projette» dans d'hypothétiques années 1940 (Le complot contre l'Amérique), où le fascisme et l'antisémitisme gagnent les États-Unis. En contrepoint d'une sévère critique de la société américaine, Philip Roth tisse une fine analyse des mécanismes de l'homme pris au piège de l'imprévisible. Confrontés à de grands bouleversements, des destins se brisent soudain sous l'effondrement des illusions, des secrets, des certitudes sur lesquels reposaient des vies idéales, prototypes du rêve américain. Quatre oeuvres sur l'identité de l'individu pris dans la tyrannie des mythes américains. Quatre oeuvres sur «le bel avenir américain qui semblait promis, celui qui devait naître en toute logique du solide passé américain, issu d'un processus sans rupture où chaque génération gagnait en intelligence, parce qu'elle connaissait les limites et l'inadéquation des aînés, dont elle savait dépasser l'étroitesse d'esprit pour jouir pleinement des droits conférés par l'Amérique, pour s'affranchir des habitudes et des attitudes juives, pour s'émanciper de l'insécurité du vieux monde et des vieilles obsessions, et, enfin conforme à l'idéal, vivre parmi ses pairs, sans complexes» (Pastorale américaine).
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«Il n'y a pas de ?rêve américain''. Il n'y a que les mouvements de l'Histoire, qui vont de l'impérial au déclin, de la chute à la rédemption. L'Amérique, miroir de notre temps ?» L'Amérique occupe une place de premier plan dans la vie et l'oeuvre de Philippe Labro. S'il est revenu, à travers son cycle de romans parus entre 1986 et 1998 (L'Étudiant étranger ; Un été dans l'Ouest ; Rendez-vous au Colorado), sur son expérience marquante et fondatrice en Virginie et son séjour dans les forêts du Colorado au milieu des années 1950, l'intérêt qu'il porte à ce pays et sa culture va bien au-delà de ses textes autobiographiques. Sa présence aux États-Unis le jour de l'assassinat de J. F. Kennedy à Dallas en novembre 1963 lui permet de couvrir cet événement historique, dont il livrera un témoignage unique dans «On a tiré sur le Président» (2013). Avec acuité, finesse et expérience, l'écrivain journaliste dresse sous forme de chroniques une galerie de portraits incisifs et précis, autant de destins croisés que de lieux et d'époques. Ce sont ses «écrits américains». Journaliste, romancier, cinéaste, parolier, homme de médias, Philippe Labro se nourrit de «l'air du temps». Les archives qui illustrent le parcours biographique laissent entrevoir un itinéraire exceptionnel, fait de rencontres, et témoigne d'une insatiabilité intellectuelle à vouloir comprendre le monde.
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Simone Weil laisse le souvenir d'une figure étrange, surhumaine par certains aspects, qui attire et repousse en même temps. On lui reconnaît une puissance intellectuelle exceptionnelle, une force morale digne des héros, un courage et un esprit de résistance hors pair, mais une intransigeance dans l'existence qui fait peur et qui s'accompagne d'une lucidité souvent prophétique.De son vivant, comme aujourd'hui, elle dérange, irrite, scandalise, tout en suscitant l'attachement le plus vif.Plus de cinquante ans après sa disparition, on est enfin en mesure d'embrasser la totalité d'une vie et d'une oeuvre foisonnante, et d'en dégager la cohérence dans toute sa force.Le but de ce volume est de faire tenir ensemble la militante, la philosophe et la mystique, car tout est solidaire dans cette pensée aux vues puissamment convergentes.Enfin, une série de témoignages sur Simone Weil, la réception de son oeuvre (Blanchot, Cioran, Sperber...) et sa diffusion à l'étranger complètent ce volume et lui apportent de précieux éclairages.
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Mémoires d'outre-tombe Tome 1
François-René de Chateaubriand
- Gallimard
- Quarto
- 14 Novembre 1997
- 9782070748433
«Moi, bonheur ou fortune, après avoir campé sous la hutte de l'Iroquois et sous la tente de l'Arabe, après avoir revêtu la casaque du sauvage et le cafetan du mamelouk, je me suis assis à la table des rois pour retomber dans l'indigence. Je me suis mêlé de paix et de guerre ; j'ai signé des traités et des protocoles ; j'ai assisté à des sièges, des congrès et des conclaves ; à la réédification et à la démolition des trônes ; j'ai fait de l'histoire, et je la pouvais écrire : et ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit, avec les filles de mon imagination, Atala, Amélie, Blanca, Velléda, sans parler de ce que je pourrais appeler les réalités de mes jours, si elles n'avaient elles-mêmes la séduction des chimères. [...] Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue.» Chateaubriand, 1837.
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Préface illustrée inédite de l'auteur
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«Écrire n'est pas pour moi un substitut de l'amour, mais quelque chose de plus que l'amour ou que la vie.» 15 janvier 1963 «Cette sensation terrible, toujours, d'être à la recherche de l'écriture inconnue, comme cela m'arrive de désirer une nourriture inconnue. Et je vois le temps passer, nécessité d'écrire contre le temps, la vieillesse.» 3 août 1990 «Écrire la vie. Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l'on éprouve de façon individuelle:le corps, l'éducation, l'appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l'existence des autres, la maladie, le deuil. Je n'ai pas cherché à m'écrire, à faire oeuvre de ma vie:je me suis servie d'elle, des événements, généralement ordinaires, qui l'ont traversée, des situations et des sentiments qu'il m'a été donné de connaître, comme d'une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l'ordre d'une vérité sensible.» juillet 2011
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à la recherche du temps perdu : Intégrale Tomes 1 à 7
Marcel Proust
- Gallimard
- Quarto
- 19 Septembre 2019
- 9782072876042
Nouvelle édition sous étui illustré
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«Il y a trois façons de se sentir en vie, vraiment vivants : être en amour, être en littérature, être en analyse. Cette phrase de Julia Kristeva me revient au moment de composer ce volume qui incite à trouver une continuité, sinon un sens, à une suite de romans écrits parfois il y a plus de trente ans et rarement relus. Pour se repérer dans le labyrinthe, c'est le fil du désir qu'il faut tirer, et lui seul. Le désir, mot aimé, mot aimant, mot qui m'aimante, s'entend ici dans son acception la plus large et la plus précise, celle de son étymologie. Désirer, c'est-à-dire se dé-sidérer, sortir littéralement de la sidération, de l'immobilité peureuse qui nous empêche de vivre. Mes romans et récits obéissent tous au même élan, ils témoignent chacun à sa manière d'un mouvement continu pour défier le côté mortifère de la vie. Leurs personnages, des femmes souvent, cherchent plus ou moins timidement l'autre côté, l'envie de vivre, l'énergie vitale, ils montrent une sorte d'acharnement au désir. Ils se rêvent en inventeurs d'un trésor. Ce choix de textes se veut un kaléidoscope. L'amour, les livres qu'on lit, ceux qu'on écrit, le besoin de comprendre y donnent leurs principales couleurs aux fragments qui le composent, dont l'agencement renouvelé n'a qu'un seul but : créer une belle forme au fond de la lorgnette où l'oeil se colle.» Écrire, pour Camille Laurens, c'est enfreindre la loi du silence - et la recommandation familiale, celle de se taire. Écrire, c'est jouer avec la richesse des mots et les circonvolutions de la langue. Écrire, c'est sa réponse à un désir impérieux, celui de vivre et d'être en vie. Par les documents personnels et le choix d'entretiens, s'érige un pont entre vie et écriture, fiction et réalité, présence et absence, véritable fil d'Ariane tendu au lecteur, destiné à déambuler dans l'oeuvre «labyrinthique» de Camille Laurens, depuis son premier roman Index (1991) jusqu'à Fille (2020).
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Histoires de l'Europe : oeuvres choisies
Henri Pirenne
- Gallimard
- Quarto
- 28 Septembre 2023
- 9782072828348
Pour qui s'intéresse à l'histoire intellectuelle du premier XX? siècle, Henri Pirenne (1862-1935), père de l'école historique gantoise, incarne une figure majeure. Formé à l'historiographie allemande - qui considère les facteurs collectifs et inconscients plutôt que les faits politiques et le rôle des individus -, auteur d'une Histoire de la Belgique à succès, symbole de la résistance à l'occupation allemande pendant la Première Guerre mondiale, l'historien belge a développé au cours des années 1920 une nouvelle vision de l'histoire de l'Europe en ouvrant deux immenses chantiers dont les chercheurs, aujourd'hui encore, n'ont pas fini de débattre : l'histoire urbaine et l'origine des villes ainsi que les conséquences pour l'Europe de la progression de l'islam au VII? siècle. En résultèrent deux grands livres parus après sa mort : Histoire de l'Europe (1936) et Mahomet et Charlemagne (1937), dont les lignes principales avaient été tracées depuis 1922. Les travaux de Pirenne sur l'histoire du Moyen Âge publiés dès la fin du XIX? siècle l'avaient déjà gratifié d'une forte notoriété, impressionnant par son souci d'incorporer la démographie historique et la recherche statistique en histoire économique et sociale. Précurseur et pionnier, il fut l'un des premiers à se pencher sur les apports d'une histoire comparative, développant des méthodes originales et novatrices, ainsi qu'un véritable art de la synthèse. Composée d'ouvrages fondamentaux, devenus des références historiographiques, et d'un vaste choix d'articles, discours, essais et journaux qui donnent à voir l'ampleur des thèmes abordés par Pirenne, cette édition «Quarto» propose au lecteur de retracer le cheminement d'un intellectuel dont l'influence marquera la création de la revue des Annales par Marc Bloch et Lucien Febvre.
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«Il y a dans Les Mystères de Paris une énergie sauvage : celle d'une cohorte de personnages maléfiques, malfrats hideux comme la Chouette, Tortillard - un anti-Gavroche -, le Maître d'école ou Bras-Rouge, criminels du grand monde comme le comte de Saint-Remy, monstres hypocrites comme le notaire Jacques Ferrand. Eugène Sue n'est pas avare de noirceur. Mais il y a aussi une sauvagerie du Bien, celle de Rodolphe, prince mélancolique venu à Paris à la recherche de sa fille perdue, impitoyable avec les méchants qu'il punit au mépris des lois. On doit à sa cruauté quelques-unes des scènes les plus stupéfiantes du roman : le châtiment du Maître d'école, ou le supplice de luxure imposé à Jacques Ferrand. Cette cruauté contraste avec la pureté morale de Fleur-de-Marie, comme avec la face solaire de Rodolphe, providence de tous les malheureux honnêtes dont il croise le chemin. Le roman exprime dans son ensemble une quête assoiffée de régénération morale de la société, par l'amélioration des mécanismes préventifs et répressifs - c'est le sens de l'engagement de Sue en faveur de l'encellulement des criminels - ainsi que par l'invention de mécanismes d'incitation au Bien, police ou tribunal de la Vertu, qui doivent récompenser publiquement les actions exemplaires.» Judith Lyon-Caen.
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Nouvelle édition sous étui
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Cervantès, au début du Quichotte, qualifie Tirant le Blanc de «meilleur livre du monde». Quelques siècles plus tard, Mario Vargas Llosa confirme avec enthousiasme l'éloge d'un roman qui «sera encore là, dans cinq cents années, pour nous accueillir, nous sauver de l'ennui et de la misère de la réalité réelle, et nous encourager par l'éclat de ses épées, l'élégance de ses passes d'armes, la désinvolture de ses donzelles, le tumulte de ses batailles, la magnificence de ses défilés et de ses tournois, et l'incessante rumeur de ses langues babillardes».L'«histoire du vaillant chevalier» est donnée à lire ici dans une version de 1737 attribuée à Caylus. Homme d'épée ayant servi en Catalogne, archéologue, amateur d'art, ami de Watteau, auteur de 12 volumes d'Oeuvres badines, il est le traducteur rêvé d'une oeuvre dont Vargas Llosa loue «l'érotisme imprégné de bonne santé, de comique irrévérencieux et de miettes philosophiques, comme chez les grands écrivains libertins du XVIII?».
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À quel envoûtement obéit un jeune Suisse bien né, sur le berceau duquel les fées se sont penchées, pour «prendre la route» à 24 ans, ses diplômes en poche, en Fiat Topolino, mais sans un sou vaillant et pour un aller simple ? Il est décidé à en découdre. Avec lui-même, avec la vie et avec l'écriture. De la Yougoslavie au Japon, c'est dur, mais c'est cette dureté qu'il recherche : la descente en soi qui peut être illumination ou descente aux enfers, l'intensité de l'instant et l'ennui qu'il faut meubler avec des riens. Le pittoresque, l'observation ne sont que des supports à la quête de soi et à la douleur de l'écriture, mais ils nous valent des portraits truculents, des récits merveilleux car ce conteur est un enchanteur. Il fait son miel avec les surprises de la route qui ne sont pas ce que l'on croit. Ainsi ce corps encombrant qui réclame chaque jour sa pitance et que frappe un cortège de malarias, de jaunisses à répétitions, sans parler des dents qui prennent la poudre d'escampette. On s'en va «pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels... Sans ce détachement et cette transparence, comment espérer faire voir ce qu'on a vu ?». Mission accomplie. Nicolas Bouvier a payé sa livre de chair et bien au-delà, et son écriture de l'extrême exigence, de l'économie du mot, fait de nous des visionnaires par procuration auxquels il arrache «des râles de plaisir».
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Mémoires d'outre-tombe t.2
François-René de Chateaubriand
- Gallimard
- Quarto
- 14 Novembre 1997
- 9782070750627
«Moi, bonheur ou fortune, après avoir campé sous la hutte de l'Iroquois et sous la tente de l'Arabe, après avoir revêtu la casaque du sauvage et le cafetan du mamelouk, je me suis assis à la table des rois pour retomber dans l'indigence. Je me suis mêlé de paix et de guerre; j'ai signé des traités et des protocoles; j'ai assisté à des sièges, des congrès et des conclaves; à la réédification et à la démolition des trônes; j'ai fait de l'histoire, et je la pouvais écrire:et ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit, avec les filles de mon imagination, Atala, Amélie, Blanca, Velléda, sans parler de ce que je pourrais appeler les réalités de mes jours, si elles n'avaient elles-mêmes la séduction des chimères. [...]Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue.»Chateaubriand, 1837.
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«À ceux qui cherchent un sens à la vie, Camus répond qu'on ne sort pas du ciel qui nous contient. À ceux qui se désolent de l'absurde, Camus raconte que le monde est beau et que cela suffit à remplir le coeur d'un homme. À ceux qui souhaitent la tyrannie parce que l'Homme n'est pas à la hauteur du bien qu'on lui veut, Camus dit qu'il faut aimer les hommes avant les idées. Aux partisans de la haine, il décrit la gratitude. Aux indignés et aux sectateurs d'un «autre monde possible» qui s'endorment, sereins, sur l'oreiller des contestations incontestables, Camus enseigne que la véritable exigence est le contraire de la radicalité. [...] Albert Camus soigne le désespoir par le sentiment qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ; c'est le seul homme normal que je connaisse.» Raphaël Enthoven.
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Horace McCoy (1897-1955) est de ceux qui ont choisi de dépeindre une Amérique fragilisée par la Grande Dépression, violente, sombre et impitoyable, ôtant à l'homme toute dignité. Aux côtés des «durs» (gangsters, politiciens corrompus, détectives), une galerie de personnages tragiques - des réalistes - suicidaires pour qui la vie est un enfer sans échappatoire et des rêveurs-ambitieux qui tentent de s'y soustraire pour se réinventer ailleurs - révèlent une mélancolie et une profondeur rares chez un auteur de roman noir, nourries de ses expériences personnelles. Vétéran de la Première Guerre mondiale, se rêvant acteur de théâtre puis reporter à Dallas, McCoy publie au tournant des années 1930 ses premières nouvelles, à la fois tranchantes et lyriques, dans Black Mask qui accueille les grandes plumes du roman noir comme Dashiell Hammett et Raymond Chandler. Désormais installé à Hollywood, McCoy enchaîne les petits rôles avant de se consacrer aux scénarios pour le compte des grands studios de cinéma, activité qu'il abhorre. Son premier roman, On achève bien les chevaux, ode tragique aux marathons de danse, paru en 1935, est un véritable succès. Jugés trop sombres, trop réalistes, les suivants ne rencontrent pas le même accueil. Dix ans s'écouleront avant que McCoy ne renoue avec la littérature et le succès, porté par l'intérêt et l'admiration du public français pour ses premières histoires traduites chez Gallimard dans la collection «Blanche» et dans la toute nouvelle «Série Noire». Adaptés au cinéma par Sydney Pollack (On achève bien les chevaux, 1969) ou Jean-Pierre Mocky (Un linceul n'a pas de poches, 1974), ses romans offrent une plongée dans le coeur noir de son pays : tirant à boulet rouge sur l'usine à rêves qu'est Hollywood et cette société où triomphent l'argent et la loi du plus fort, McCoy était bien trop sulfureux pour une Amérique qui se voulait alors conquérante.
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Les chevaliers de la table ronde : romans arthuriens (Ve-XVe s.)
Collectif
- Gallimard
- Quarto
- 2 Juin 2022
- 9782072849411
Héritée d'une tradition païenne antique, ancrée dans l'opposition et la résistance des Bretons à l'envahisseur germanique, chantée par les bardes dans un dialecte celtique, la légende arthurienne prend corps au IX? siècle, en terre galloise, dans les récits en latin et en prose. C'est à partir de 1130 que l'histoire légendaire de ce roi vaillant et brave, chef charismatique et incontesté, personnage fabuleux et victorieux, connaît un écho retentissant auprès du public, à travers toute l'Europe, grâce à l'ambitieuse chronique du clerc anglais Geoffroi de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne. À sa suite, en particulier sous l'impulsion de Chrétien de Troyes, le roman arthurien s'enrichit de nombreux épisodes des aventures du roi et de ses compagnons chevaliers:exploits prodigieux, conquêtes amoureuses, quête du saint Graal...À la lumière de l'histoire culturelle, sociale et politique du Moyen Âge et de ses images (enluminures, sceaux, armoiries...), cette édition propose de mieux comprendre la transformation de la matière dite de Bretagne en l'une des plus grandes légendes de tous les temps.Cycle sans égal inscrit au patrimoine littéraire mondial, la légende arthurienne n'a cessé de nourrir toutes les formes de la création - des récits de Chrétien de Troyes aux opéras de Wagner, aux beautés préraphaélites, jusqu'au nonsense des Monty Python... - et de hanter notre imaginaire.
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Romans, cinéma, théâtre, un parcours 1943-1993
Marguerite Duras
- Gallimard
- Quarto
- 13 Février 1997
- 9782070744916
«Ça rend sauvage, l'écriture. On rejoint une sauvagerie d'avant la vie. Et on la reconnaît toujours, c'est celle des forêts, celle ancienne comme le temps. Celle de la peur de tout, distincte et inséparable de la vie même. On est acharné. On ne peut pas écrire sans la force du corps. Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit.» Duras, 1993.
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S'il débute comme critique aux Cahiers du cinéma et réalise son premier film à l'époque de la Nouvelle Vague, c'est en tant qu'écrivain que François Weyergans se fait connaître avec Le Pitre en 1973, un récit virtuose et drolatique d'une psychanalyse, où il s'emploie à déjouer les codes de la littérature. En trente ans et une quinzaine de romans, il façonne une galerie de personnages d'un genre unique, autour desquels se tissent et s'entremêlent angoisses, aventures amoureuses et érotiques, souvenirs de jeunesse empreints d'humour et d'affection mais mâtinés d'un regard critique envers la famille et son héritage. François Weyergraf, Éric Wein, Marc Strauss, chacun écrivain et chacun confronté aux tourments de la création, se posent en doubles exacerbés de Weyergans qui, en faisant le récit de leur vie, dépeint une part de la sienne. D'autres héros surgissent d'un imaginaire insoupçonné : Macaire le Copte, moine de l'Égypte ancienne, Jules, nourrisson encore dans le ventre de sa mère, Melchior Marmont, producteur mythique de films... et montrent tout le talent de Weyergans, récompensé entre autres par le prix Renaudot en 1992 et le prix Goncourt en 2005, à jongler entre différents univers, à recourir à des écritures multiples. En réunissant sept romans majeurs, cette édition Quarto propose d'embrasser une oeuvre singulière et de porter un nouvel éclairage sur un écrivain anticonformiste qui, dans une mise en abyme unique, a érigé un pont entre sa vie et celle de ses héros. Et de plonger, pour mieux le découvrir, dans son univers, ses fantaisies et ses obsessions.
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«Seule l'action est la prérogative de l'homme exclusivement ; ni bête ni dieu n'en est capable, elle seule dépend entièrement de la constante présence d'autrui : c'est ainsi que, dans les premières pages de Condition de l'homme moderne, Hannah Arendt répond à sa manière à la question qu'est-ce que l'homme ? dans un livre qui présente sans doute la synthèse la plus complète de sa pensée qu'elle ait donnée de son vivant. Les ouvrages réunis dans ce volume sont tous consacrés à ce problème de l'action, dont ils élucident à la fois la signification philosophique et les implications plus directement politiques. Publiés entre 1958 (Condition de l'homme moderne) et 1972 (Du mensonge à la violence), ils sont donc postérieurs au premier grand livre de Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme (1951), dont ils donnent en quelque sorte le contrepoint ; Hannah Arendt y montre ce qui, dans l'humaine condition, peut toujours être source de résistance contre tous les processus de destruction dont le totalitarisme moderne a représenté une forme paroxystique mais dont certains traits se retrouvent dans toutes les sociétés modernes. Tous ces ouvrages s'appuient sur un travail considérable d'élucidation philosophique, dont on peut mesurer l'ampleur en lisant le Journal de pensée mais, contrairement aux grands livres posthumes, ils sont centrés sur les questions pratiques, même lorsqu'ils proposent une interprétation d'ensemble de constructions théoriques aussi considérables que la science moderne ou la philosophie de l'histoire.»