« On est le 6 décembre 2018, il est midi. Trois semaines que le mouvement a démarré, avec l'impression, ici, que tout ne fait que commencer ».
Qu'avons-nous traversé ces huit dernières années ?
De la révolte des Gilets jaunes à la vie quotidienne en Ukraine sous les bombes, en passant par le grand confinement, la virée en Thaïlande de deux cousins de région parisienne ou la fin tragique d'un éleveur tué par des gendarmes, Florence Aubenas raconte notre époque, au plus près du réel.
Florence Aubenas est grand reporter au journal Le Monde. Elle a notamment publié Le Quai de Ouistreham et L'Inconnu de la poste, qui ont connu un immense succès critique et public.
Depuis les années 2000, les sexualités féminines sont sorties du silence grâce aux séries télévisées : après Sex and The City, les productions les plus récentes ambitionnent de raconter la singularité de l'expérience des femmes.
En quatre chapitres, Sex and The Series explore les métaphores et les schémas inédits que proposent ces séries récentes, et la révolution télévisuelle que nous vivons : comment le « regard masculin » est-il transformé ou contredit ? Quelles nouvelles narrations nous sont proposées ?
Érudit, malicieux, cet essai détonant est également un éloge de notre plaisir de téléspectateur.
Iris Brey théorise le regard féminin, ou female gaze, une façon de filmer les femmes sans en faire des objets, de partager la singularité des expériences féminines avec tous les spectateurs, quel que soit leur genre, et renouveler notre manière de désirer en regardant sans voyeurisme.
Des joyaux du cinéma à certaines oeuvres plus confidentielles, en passant par quelques séries et films très contemporains, Iris Brey nous invite à nous interroger sur le sens caché des images.
Un jour, lors d'un dîner mondain, Rebecca Solnit se voit questionnée par un homme sur son travail d'écrivain. Son dernier livre vient de paraître, il traite du Far West et de l'industrialisation. Aussitôt, l'homme la coupe : « Mais avez-vous lu ce livre très important qui vient de paraître sur le même sujet ? ».
Et l'homme de pérorer sur un sujet qu'il ne maîtrise pas, mais sur lequel il a, bien sûr, beaucoup à dire. Seul problème : le livre « très important » en question a été écrit par... Rebecca Solnit elle-même. À partir de cette anecdote, Solnit développe un concept : les « mecsplications ». Comprendre, ces hommes qui croient à tort savoir mieux que les femmes ce qu'elles doivent penser, dire, ou encore écrire.
Mais ce n'est pas le seul angle d'attaque de ce recueil à l'intelligence protéiforme : qu'elle aborde la culture du viol, la question du mariage pour tous, la puissance du patriarcat ou l'oblitération de la parole des femmes dans l'histoire, Rebecca Solnit examine avec humour, colère et sens de la nuance les nouvelles questions que doivent affronter les femmes du vingt- et-unième siècle.
Depuis son arrivée au Monde comme grand reporter, Florence Aubenas continue d'explorer la « France d'en bas ». Loin des beaux quartiers, elle arpente les plages du sud-est, les banlieues ou les villes du Nord, à la recherche d'un peuple de plus en plus délaissé par le monde politico-médiatique. En France réunit la majeure partie de ces reportages. Fidèle à l'esprit qui animait Le quai de Ouistreham, ce livre s'attache avant tout à capter l'humain, en restituant un certain « ton » - tantôt gouailleur, tantôt désabusé ou parfois même révolté - qui est celui des interlocuteurs de Florence Aubenas, avec qui elle a su nouer une vraie complicité. C'est alors seulement que se dévoile son vrai propos, qui est de nature essentiellement politique, au sens noble du terme. Chômeurs, parents d' élèves, jeunes filles de banlieue, électeurs de gauche ou du Front national, ils dessinent l'un des visages possibles de la France de demain.
« Nous devons faire passer l'expérience atroce de la catégorie de l'histoire à celle de l'art », écrit Aharon Appelfeld à propos des nombreux témoignages suscités par la Shoah. Sans négliger la valeur historique de ces témoignages, il nous rappelle que « seul l'art a le pouvoir de sortir la souffrance de l'abîme. » Car la vérité propre à l'oeuvre est indissociable d'une expérience subjective.
L'Héritage nu (Au-delà du désespoir), qui rassemble trois conférences prononcées à l'université Columbia, a fait l'objet d'une première édition dans une traduction de l'anglais effectuée par Michel Gribinski (L'Olivier, 2006). La présente édition propose une version révisée par Valérie Zenatti à partir du manuscrit original en hébreu dont une partie a été retrouvée. Elle est par ailleurs augmentée d'une postface inédite de Frédéric Worms, qui met en perspective les enjeux philosophiques et littéraires de ces conférences avec l'ensemble de l'oeuvre d'Aharon Appelfeld.
- Arrêtons le massacreDéjà couvert d'éloges (en particulier ceux de J.M. Coetzee), best-seller aux U.S.A., en Italie et en Allemagne, ce premier essai de J.S. Foer est un coup de maître.Les questions qu'il pose - et les réponses qu'il propose - sont universelles : pourquoi l'homme est-il carnivore ? cet usage est-il moralement légitime ? Et surtout : comment traitons-nous les animaux que nous mangeons ?Convoquant souvenirs d'enfance, données statistiques et arguments philosophiques, J. S. Foer interroge les croyances, les mythes et les traditions familiales et nationales existant à ce sujet, avant de se lancer lui-même dans une vaste enquête. Entre une expédition clandestine dans une usine d'abattage industriel et un reportage sur un ranch où l'on pratique l'élevage traditionnel, une recherche sur les dangers du lisier et la visite d'une ferme où les dindes sont élevées en pleine nature, J. S. Foer explore tous les degrés de l'abomination, et les derniers vestiges d'une civilisation où l'animal était encore respecté. Choquant, drôle, inattendu, ce livre devrait susciter passions et polémiques.
- Né en 1977 à Washington, DC, Jonathan Safran Foer fait des études de lettres à Princeton sous la direction de Joyce Carol Oates et Jeffrey Eugenides. En 1999, il part pour l'Ukraine afin d'y retracer la vie de son grand-père. De ce voyage naît son premier roman, Tout est illuminé, qui devient un événement littéraire international. Il publie en 2005 son deuxième roman, Extrêmement fort et incroyablement près : " Pyrotechnique, énigmatique et, avant tout, extrêmement émouvant. Un exploit hors du commun " (Salman Rushdie).Jonathan Safran Foer vit à Brooklyn avec sa femme et leur fils.
Née en banlieue parisienne, dans une famille croyante et pratiquante, Mariame Tighanimine a longtemps porté le voile. Jusqu'à ce que, petit à petit, elle réalise que tout ce qu'elle dit, écrit, pense est regardé par le monde extérieur à travers son "hijab".
Ce livre-manifeste, qui assume le courage de la nuance dans un débat qui l'est souvent peu, explore les questions que le voile soulève pour les femmes et, au-delà, pour toute la société française.
Découverte en France grâce à Ces hommes qui m'expliquent la vie, Rebecca Solnit, essayiste féministe de renommée internationale, a longtemps connu l'adversité avant de pouvoir faire entendre sa voix. Souvenirs de mon inexistence revient sur son parcours personnel depuis son installation à San Francisco à l'âge de 19 ans jusqu'à l'émergence de l'écrivaine reconnue qu'elle est devenue.
A travers ce récit autobiographique, elle explore les différentes facettes de ce qu'elle appelle l'« inexistence » imposée aux femmes par les hommes et plus généralement aux minorités par la société. Puiser dans son vécu lui permet d'étayer une réflexion sur l'identité, sur son rapport à la lecture et à l'écriture tout en donnant quelques pistes pour concevoir un monde meilleur : chaque individualité, si opprimée et niée soit-elle, a la capacité de lutter contre la violence systémique dès lors qu'elle comprend qu'elle n'est pas seule.
Qui a été historiquement réduit au silence, et pourquoi ? Comment les femmes et les minorités sont-elles parvenues à récupérer, ou non, leur parole ? En quoi un changement politique est-il avant tout un changement de récit ?
Pour répondre à ces questions, Rebecca Solnit balaye un grand nombre de sujets, de l'histoire des droits civiques et de l'esclavage, à la culture du viol dans les campus américains, en passant par la masculinité toxique.
On retrouve ici la vivacité d'esprit de l'auteure, son opiniâtreté à déjouer tout ce qui, dans la culture, dans les institutions, dans la sphère publique, entend amoindrir la parole des femmes, et réduire leur place. Rebecca Solnit y met au jour les normes sous-jacentes contenues dans nos discours.
Médecin engagé, Christian Lehmann décrypte la pandémie en même temps qu'il l'affronte. Face à l'angoisse, il démonte avec calme et humour les fausses informations qui circulent. Lanceur d'alerte investi, il dénonce les manquements du gouvernement autant que les théories complotistes. Faisant appel aux témoignages de collègues, de patients, d'enseignants, d'activistes, il dresse le tableau d'une société fragmentée sur fond d'effondrement du système de santé.
Les chroniques réunies dans ce recueil ont paru sur liberation.fr de mars 2020 à novembre 2021.
Le Laboratoire central réunit neuf entretiens et exposés de J.-B. Pontalis entre 1970 et 2012, dont certains inédits, en réponse des questionnements sur les rapports de la psychanalyse et de la littérature (" De l'inscrit à l'écrit ", entretien avec Pierre Bayard), mais aussi, en arrière-fond, explicitement parfois, sur le lien entre psychanalyse et politique (" Détournements ? ", entretien avec Marcel Gauchet). Ce titre - Le Laboratoire central - est en hommage à Max Jacob, que l'auteur a connu avant son internement en camp. Le " laboratoire central " est l'entretien que le psychanalyste a avec ses patients, avec ses collègues et avec lui-même, où il fait travailler ce à quoi il tient et croit, centralement, tout en cherchant à se mettre en difficulté, à " penser contre soi ". Avec ces échanges loyaux où il ne craint pas d'épouser les vues adverses, avec les visées inattendues et fortes qu'il prête à l'autre, avec le dérangement en lui-même d'une pensée autre, J.-B. Pontalis sait mettre cent fois sur le " métier " l'ouvrage d'une réflexion qui a traversé le dernier demi-siècle, continue d'être centrale, et n'a cessé de compter bien au-delà du cercle des psychanalystes.
Une brève histoire du genre rappellerait qu'avant d'être un thème majeur du féminisme, cette question et les études de genre émergent en 1955 des travaux du sexologue behaviouriste néozélandais John Money, puis du psychanalyste américain Robert Stoller dans les années 1960. Les observations cliniques relatives à l'existence d'un clivage entre l'anatomie génitale et le sentiment d'identité donnent alors lieu à l'idée qu'il n'y a pas de correspondance structurelle entre le genre et le sexe. Le choix du genre ne serait que le produit du sentiment qu'on a de soi : « Mon genre et moi », parce que « moi » devient une sorte de porte-parole en vérité de « mon genre » - en remisant aux oubliettes le sujet de l'inconscient.
Le présent numéro vise à réintroduire ce « sujet » dans un conflit entre genre (qu'on se donne) et sexe (qu'on a) et, en manière de conclusion provisoire, il propose une hypothèse : « théorie » du genre, réelle ou supposée, et croyances en un « ordre naturel » seraient deux manifestations symptomatiques de la résistance contemporaine narcissique au sexuel infantile inconscient. Avec des idéologies différentes, une culture identitaire fermée sur elle-même par définition est, dans les deux camps, en train de s'instaurer.
AU SOMMAIRE MONIQUE SCHNEIDER Protestations touchant le sexe FRANÇOIS BEGAUDEAU Théorie du jeu ROBERT STOLLER, HAROLD GARFINKEL, ALEXANDER C. ROSEN Le passage (introduction de Michel Gribinski) PIERRE-HENRI CASTEL La Métamorphose impensable après coup GILBERTE GENSEL Son genre et lui HENRI NORMAND Mon genre ou Moi ALAIN BOUREAU Thérèse est mon nom JEAN-MICHEL REY D'un devenir pour le moins improbable MATHILDE GIRARD Du genre résistant FRANCESCO PAOLO ADORNO De Robocop à Peter Pan CATHERINE RODIERE-REIN Perdre sa langue GABRIEL BERGOUNIOUX Ce que le genre fait en langue MICHELA GRIBINSKI Le genre que l'on se donne JEAN IMBEAULT La désexualité Petit glossaire associatif du Genre ANTONIO ALBERTO SEMI L'humeur vagabonde FRANÇOIS GANTHERET Conscience de poitrine Trans MARIA MARCELLIN Ce qui nous pousse
La loi a donné le droit aux personnes de même sexe de se marier et d'adopter. Elle porte un enjeu de société et met en avant l'institution du mariage et une fonction parentale qu'elle dit "libre" plutôt que liée au sexe ou au genre. Que deviendra l'enfant ? S'intéresser à la question de savoir s'il est bien ou mal, juste ou pas, révolutionnaire ou régressif que des personnes de même sexe se marient semble plus aisé que d'examiner ce qu'il advient de l'enfant.
Chacun est d'accord que deux personnes de même sexe sont parfaitement capables d'élever un enfant avec l'amour nécessaire. Mais cette vue très simple de l'amour parental est inexacte : elle ne tient pas compte des mouvements inconscients propres à chacun ni du destin de ces mouvements. Le fameux amour parental couvre les besoins. Que sait-il de son désir, qui mène une vie secrète dans le conflit psychique interne, déguisé et vital, propre à chaque enfant comme à chaque enfant que le parent a été, et qui continue sa vie en lui ? Avec notamment une histoire de deux couples homoparentaux plus vraie que nature par François Bégaudeau, des réflexions engagées de Jean Clair et Geneviève Delaiside Parseval, une promenade dans l'histoire des questions homosexuelles dans l'Antiquité de Jackie Pigeaud, des cas d'analyse d'enfants (Caroline Thompson, Jocelyne Malosto, Annick Merken), un parcours critique du rôle des "psys" dans la presse de ces derniers mois de François Richard, la lettre refusée par Le Monde de François Gantheret, un point de vue sur le rôle de l'État de Caroline Eliacheff, un dialogue troublant entre Bouvard et Pécuchet de Catherine Rodière-Rein, une lettre argumentée à Freud pour lui demander ce qu'il pense de tout ça de Gilberte Gensel, etc.
- " L'indésirable absolu a quelque chose d'énigmatique et, au bout du compte, il s'agit toujours d'essayer de comprendre. C'est peut-être lorsqu'on n'y parvient pas qu'on est le plus près ". L'essai de Michel Gribinski prend pour exemple principal de " scène indésirable " celle, généralement oubliée ou méconnue, du programme eugénique nazi qui a donné lieu à la fondation Lebensborn et à la " germanisation " de centaines de milliers d'enfants chrétiens, blonds aux yeux bleus, enlevés, pendant la guerre, dans les pays occupés. On relève que ces kidnappings de masse ont été pratiqués sans haine particulière, de même que la destruction de masse des enfants jugés " racialement inutiles ". Et que les enfants nés dans les maternités du Lebensborn et abandonnés par leur mère pour être élevés par la SS - avant leur adoption par des familles allemandes -ont été traités avec " amour ". On soupçonne qu'au-delà du principe de la haine, là où la vie de l'esprit cesse d'être conflictuelle, règne une sorte d'amour rationnel, banal comme est " banal " le mal dont parle Hannah Arendt.La vie de l'esprit peut-elle ne pas être conflictuelle ? Qu'est-ce qu'un amour banal ou rationnel ?Ce sont- là quelques-unes des questions essentielles que pose cet essai où la réflexion est d'autant plus forte que l'auteur la mène sous nos yeux, nous en déroule le fil, déployant une pensée en recherche, inquiète, qui a l'ambition et la modestie d'" essayer toujours de comprendre ". Ici " l'indésirable ", précédemment, dans d'autres essais, " le trouble de la réalité " ou " la séparation imparfaite ".
- " Écrire, analyser : quoi de commun entre ces deux activités ? Lorsque c'est le même qui se livre à l'une et à l'autre, quelles ruptures en lui, entre fauteuil et table d'écriture, et quelles continuités ? Cet essai est une réflexion sur une double pratique : d'analyste, et d'écrivain. Je les dis doubles puisque ces mots les distinguent, mais ce dont j'aimerais témoigner, ce que je souhaite affirmer ici est leur profonde unicité. Elle m'est évidente, et je voudrais faire partager cette évidence, lorsque j'explore les diverses facettes de l'énigme qui leur est commune : comment leur matériau - les mots - qui ne sont que des signes peuvent-ils s'animer et émouvoir, c'est-à-dire mettre en présence de ce qu'ils désignent ? Comment, en somme, l'état natif de notre rapport au monde peut-il être réactivé, ranimé et pas seulement évoqué, dans et par le langage ? L'analyste comme l'écrivain sont des rôdeurs de frontière, le domaine qu'ils fréquentent et dont ils reviennent avec des mots vivants. Ces considérations valent aussi bien pour toute démarche vraiment créatrice de nouveau, et l'essai fait appel en particulier à la peinture pour étayer son propos. L'analyse, l'écriture sont, comme l'art, refus de se résigner au peu de réalité du monde de signes auquel les hommes sont condamnés. C'est dans les signes eux-mêmes, les mots (c'est-à-dire en se tournant vers le monde partagé, et non en se repliant dans le solipsisme du fantasme inconscient), qu'est cherchée la réponse à notre nostalgie du présent. " - François Gantheret est psychanalyste, docteur ès lettres, professeur émérite de psychopathologie à l'Université Paris VII, membre de l'Association psychanalytique de France. Il a publié aux éditions Gallimard des ouvrages de psychanalyse, Incertitude d'Éros (" Connaissance de l'inconscient ", 1984) Moi, Monde, Mots (" Connaissance de l'inconscient ", série " Tracés ", 1996) Libido omnibus et autres nouvelles du divan (L'Arpenteur, 1998 et Folio, 2001) ainsi que des romans, dans la collection " blanche " : Les Corps perdus (Prix Ulysse du premier roman, 2004) Comme le murmure d'un ruisseau (Prix Rosine Perrier, 2006), Ferme les yeux (2007).
Il y a peu, on a découvert avec un malaise certain que la « beauté » pouvait être le fait trivial d'un corps étranger : d'une prothèse de sein siliconée, par exemple.
L'introduction d'un « corps étranger » dans l'organe familier a introduit du même coup une série de questions et de doutes dans nos représentations :
Quels sont les gestes psychiques ? perceptions, évaluations ? par lesquels on décrète qu'il y a un corps étranger et que c'est un intrus ? Et l'hôte qu'est notre corps n'est-il pas lui-même un étranger, autonome, avec lequel on tente sans cesse de se familiariser ? Enfin, le « corps étranger » ne fait-il pas écho à une question sociétale majeure ?
Tenter de répondre appelle une (re)définition préalable d'un moi-corps, individuel et social, et de nos modèles de pensée.
ÿþ " Le temps du trouble, c'est le passé, la manière que chaque discipline a de l'inventer. Le temps du trouble, c'est aussi le présent, à l'instauration et au service duquel finit tout ce qu'on dit, tout ce qu'on pense. Et c'est le grand mouvement incertain qui va de l'un à l'autre et les remanie tous les deux, présent et passé: c'est le temps de l'après-coup - le créateur d'événements.Le temps du trouble, c'est aussi l'époque actuelle, quand la crise de la conscience européenne annonce aujourd'hui la fin des Lumières.Ce numéro salue ainsi le premier roman français en date, son histoire, les ressorts inconscients de l'amour, et l'héroïne de ce roman - la très troublée princesse de Clèves -, dénoncé par les délégués d'une société qui veut en urgence en finir avec le concept même de trouble.
" Avec des contributions de psychanalystes: Françoise Laurent, Alberto Semi, Daniel Oppenheim, Alberto Luchetti, Catherine Rodière-Rein; d'historiens: Christian Jouhaud, Judith Lyon-Caen, Nicolas Schapira, Dinah Ribard; de littéraires: Alain Cantillon, Laurence Giavarini; du philosophe Jean-Michel Rey; de l'anthropologue Jeanne Favret-Saada; et avec un entretien entre l'astrophysicien Michel Cassé et l'écrivain Pierre Bergounioux.
Dans Remake, le psychanalyste Jean Imbeault aborde un certain nombre de questions à partir du cinéma classique et contemporain : l'empreinte freudienne dans Le Guépard, Les Arnaqueurs ou encore Paranoid Park, la portée de la pensée d'Aristote dans Head On . Onze films (de J. Losey, G. Van Sant, L.Visconti, J. Gray, J.-L. Godard, M. Pialat.) sont ainsi repris (premier sens de Remake ), résumés, décomposés et recomposés avec l'idée de mettre au jour et de circonscrire l'échange et la concordance entre le cinéma et la psychanalyse. La progression est celle d'un journal : autant de dates, autant de séances. En effet, comme dans une psychanalyse, les histoires semblent d'abord se tenir, puis des fragments se détachent, des hypothèses, des constructions apparaissent. Car ce livre est aussi une réfection - autre sens de Remake : il est l'oeuvre d'un psychanalyste qui ne cesse de penser et repenser la théorie freudienne qui guide sa pratique. Remake est le livre d'un amoureux des faits qui cède à la nécessité de se refaire son cinéma.
L'aspect un peu baroque de ce livre tient à son sujet même : son fil conducteur est une tresse. Celle que toute parole recèle en secret. Le titre l'évoque : des associations (une lutte des rêves) enroulées autour de concepts (des classes logiques). Mais ces associations ont un sens qui n'apparaîtra qu'après-coup : c'est le troisième brin de la tresse. L'essai de Max Dorra analyse la méthode de la libre association, la plus géniale de toutes les inventions freudiennes, qui fait de nous de véritables Houdini, capables de déjouer nos faux huis-clos, de démasquer le caractère illusoire de ce qui nous ligotait, pensions-nous. "Associer", c'est laisser venir tout ce qui vous passe par la tête sans chercher à être intelligent, ne pas être philosophiquement correct. La libre association, "règle fondamentale" du traitement psychanalytique, rend Freud insoluble dans la philosophie traditionnelle. En retrouvant une douleur plus ancienne, elle permet de remettre les choses à leur place. Freud fait lui-même une découverte bouleversante : c'est de réminiscences qu'il souffre. Il le découvre en "embrassant d'un seul regard" toutes ses associations et élabore ainsi une mémoire du sens. La méthode des associations libres nous apprend que l'on peut s'échapper du "jardin aux sentiers qui bifurquent" et sortir paradoxalement du "monde extérieur", de ses labyrinthes, de ses pièges. Ainsi la lecture de cet essai, aussi libre que la méthode dont il traite, procure-t-il le sentiment grisant de la découverte, sous la conduite d'un "psychologue surpris", pour reprendre un titre de Reik, et qui est aussi un humaniste étonné.
Ce numéro tente de comprendre la nature inconsciente, les racines fantasmatiques de ce qui apparaît comme des manifestations passionnelles collectives de la modernité : la vengeance et le pardon. En donnant la parole à des psychanalystes, mais également à des acteurs de la réflexion sur le droit, la justice, la religion, la politique et l'histoire, il cherche à cerner un changement sociétal,qui semble à certains prendre l'allure d'une régression sentimentale aux dépens d'une civilisation du droit et de la loi.
Ainsi voit-on les principes du droit effacés par les commissions « Vérité et Réconciliation » qui, à partir de l'expérience de l'Afrique du Sud, ont vu le jour en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud. La « repentance » remplace comme par magie le déni et souvent l'ignorance même des faits, et récuse l'analyse historienne et ses conséquences - on ne reviendra plus sur la faute avouée.
- " Le plus remarquable des essayistes anglais actuels. "(Alain de Botton)Evelyn Waugh disait : " Écrire n'est pas enquêter sur un personnage, c'est un exercice de la langue, et ça, ça m'obsède. La technique psychologique ne me dit rien. C'est le drame, le discours et les événements qui m'intéressent. "Pour Adam Phillips, la psychanalyse tient des deux : c'est à la fois une enquête sur un personnage et un exercice théorique et pratique de la langue. En tant que thérapie, elle enquête sur des personnages avec l'idée de rendre les gens plus heureux, de leur faire trouver la vie plus intéressante. Et à la différence de la littérature, elle offre la possibilité de voir exactement ce qu'est la vie, et pourquoi il est préférable - quand c'est le cas - de s'intéresser à elle plutôt qu'à la psychologie ou au langage.Après deux livres exigeants par leur technicité ( Winnicott et les Trois capacités négatives), voici un livre très accessible: il s'agit d'un " best of " tiré d'un recueil d'articles publiés dans la London Review of Books, le New York Times, l' Observer, etc. De Hamlet à Lacan en passant, évidemment, par Freud, un fil rouge réunit tous ces textes : l'idée selon laquelle la psychanalyse serait une branche de la " littérature ". Sans nier les effets thérapeutiques de l'analyse, Adam Phillips s'attache à montrer que la créativité (en particulier celle des écrivains) est une des clés qui permettent d'accéder à ce que les philosophes de l'Antiquité appelaient une bonne vie. Brillant, impertinent, profond, Adam Phillips devrait, avec ce livre, captiver le public français.
- Adam Phillips est né à Cardiff en 1954. Psychanalyste à Londres, il a été le General Editor de la nouvelle traduction des oeuvres de Freud chez Penguin Modern Classics. Parmi ses derniers ouvrages traduits, sont parus en 2005 chez Payot La Mort qui fait aimer la vie. Darwin et Freud ainsi que La Boîte de Houdini. L'art de s'échapper. Aux Éditions de l'Olivier, collection " penser/rêver " en 2008, Winnicott ou le choix de la solitude ; en 2009, Trois capacités négatives.
Envoyé spécial à Bagdad, Rajiv Chandrasekaran a enquêté pendant un an et demi dans la Zone verte, cette " petite Amérique" recréée par l'administration Bush pour accueillir les spécialistes chargés de faire de l'Irak une démocratie moderne. Le journaliste décrit le quotidien de ces Américains vivant en plein centre d'un pays dévasté par les bombardements et en proie à l'anarchie.
C'est l'histoire, racontée de l'intérieur, d'une organisation qui s'obstine jusqu'à l'absurde à mettre en place des projets en décalage complet avec la réalité. L'épopée loufoque d'une bande de Pieds Nickelés missionnés par le président des États-Unis pour "libérer l'Irak ".
L'adjectif possessif - « L'intime et son spectacle » - le fait entendre d'emblée : l'intime ne va pas sans l'idée qu'il recèle un spectacle qui lui est propre. N'aurait-il jamais de consistance en lui-même ? Les affaires sexuelles spectaculaires posent la question : qu'est-ce que l'intime, dès lors qu'il se prête à l'instrumentalisation publique ? Existe-t-il même, si l'on peut en faire un objet de communication ? L'intime est à la Une ! On en a plein les yeux et les mots. Tout ce qui est dedans doit-il être dehors pour répondre aux exigences d'un scénario spectaculaire ? L'intime pourrait-il faire la Une sans être conçu comme ce qui est par nature dissimulé ? Corollaire : quelle intimité indicible, non montrable, cache le tableau de Courbet, L'origine du monde ? Quelles formes ont l'intime et l'intimité si elles existent en deçà et au-delà de leur spectacle ?
Aujourd'hui que le spectacle est celui d'une prostituée mineure débauchée par un footballeur et devenue l'égérie d'un grand couturier, aujourd'hui qu'Internet propose des photos dénudées de telle Première dame, peut-on faire entendre une autre question dans sa banalité même : et si l'intime était ce qui intimide ?