Dernier livre de Yoshihiro Tatsumi, "A drifting life" est son ultime chef d'oeuvre sur lequel il a travaillé pendant plus de onze ans. Cette autobiographie prend racine à Osaka, où l'auteur passera son enfance, dans un Japon qui se remettait difficilement de sa défaite et des conséquences la seconde guerre mondiale.
À travers une quinzaine d'années - d'août 1945 à Juin 1960 - Tatsumi met en scène son double, Hiroshi Katsumi, qui doit faire face aux problèmes financiers de son père, à l'échec du mariage de ses parents, la jalousie et la mauvaise santé de son frère, et aux innombrables pièges qui l'attendent sur le marché hautement concurrentiel du manga dans la moitié du 20ème siècle.
Jeune, il rêve de marcher dans les traces de son idole, Osamu Tezuka le père du manga moderne (auteur d'Astro Boy, Le roi Léo, Black Jack, Prince Norman ). Il deviendra par la suite l'un de ses pairs et, parfois même son rival en terme de style.
A drifting life est le témoignage exceptionnel du fondateur du genre Gekiga.
"Nos aînés, écrit-il, nous avaient enseigné que la bd était comique. Il s'agissait de faire rire les lecteurs. Nous ne voulions plus de cela"
Acteur incontournable d'une époque fondatrice du manga, Yoshihiro Tatsumi offre, avec Une vie dans /es marges, un témoignage exceptionnel sur les milieux éditoriaux et le Japon de l'immédiate après-guerre.
Fresque autobiographique, roman social et document historique, ce livre-somme est un chef-d'oeuvre capable de toucher le passionné comme le néophyte. Pour l'amateur de bande dessinée, il donne à voir de l'intérieur la manière dont le manga s'est construit dans ces années-là, passant en peu de temps de l'âge d'or à l'âge industriel. Il invite dans cette évocation les figures mythiques de ce domaine et nous les montre telles qu'elles étaient avant que l'histoire ne les statufient.
Pour le profane, Une vie dans les marges dresse un tableau unique du Japon des années d'après-guerre et de ses classes populaires luttants pour la survie quotidienne. De l'essor économique des années 1950 jusqu'aux crises des années 1960, Tatsumi dépeint avec force un pays et une société en pleine mutation. OEuvre de longue haleine dont la réalisation s'est étalée sur plus de dix ans, Une vie dans les marges est d'ores et déjà un ouvrage de référence récompensé au Japon et aux Etats-Unis par les prix les plus prestigieux.
Ce premier volume de l'anthologie que Cornélius va consacrer aux nouvelles de Yoshihiro Tatsumi présente vingt-trois histoires écrites et dessinées au cours des décennies 1960-1970.
Fidèle à sa volonté de montrer la réalité du quotidien, si dure soit-elle, selon les principes du gekiga (dessins dramatiques) qu'il développe à la fin des années 1950, Tatsumi décrit dans ses histoires courtes toute une galerie de petites gens :
Travailleurs en usine, éboueurs, prostituées, mendiants ou paumés en tout genre, dans un monde en crise encore marqué par les stigmates de la guerre et le fascisme.
Fidèle à son maître Honoré de Balzac, Tatsumi décortique impitoyablement ses semblables, dépeignant les passions et les illusions qui font battre les coeurs humains. Ses personnages, auxquels il prête souvent ses propres traits, se heurtent aux murs de leur propre existence, attendant d'être broyé par une société qui a perdu toute forme de mansuétude et n'offre plus aucun salut.
Les éditions Cornélius entreprennent avec ce volume de faire paraître la plus grande anthologie jamais réalisée de l'oeuvre de Yoshihiro Tatsumi pour permettre enfin que soit mieux connu le travail de ce géant du manga, trop tardivement honoré dans son pays.
A ceux qui lui reprochaient certains de ses personnages, balzac répondait : "ces êtres vulgaires m'intéressent plus qu'ils ne vous intéressent ; je les grandis, je les idéalise en sens inverse, dans leur laideur ou leur bêtise.
Je donne à leurs difformités des proportions effrayantes ou grotesques. " tatsumi décrit, lui aussi, les infirmités du corps et de l'âme, la peur et la laideur humaine. employés, ouvriers, étudiants ou putains, ses personnages mènent des vies machinales, tourmentés par les frustrations sexuelles et sociales, hantés par l'angoisse existentielle. c'est le drame quotidien et banal de ces marginaux que raconte la comédie humaine de tatsumi.
Le japon contemporain rassemble tous les cercles de l'enfer. hommes et femmes y tournent en rond, vaincus et fatigués, désespérés et solitaires. plus grande est la foule, plus grande est la solitude. s'il ne cède jamais au sentimentalisme, tatsumi démontre une empathie profonde pour les égarés et les perdants que la société abandonne dans son sillage. "nos aînés, écrit-il, nous avaient enseigné que la bd était comique.
Il s'agissait de faire rire les lecteurs. nous ne voulions plus de cela. " difficile pourtant de ne pas rire parfois à ses histoires, pour se libérer d'une poigne qui vous prend à la gorge et ne vous lâche pas avant longtemps.