«À Megara on met encore des oeillets au balcon, et les femmes portent des robes longues ; c'est pour cette raison que la simple vision d'une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées ; et elles se surveillent elles-mêmes ; et s'il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l'ourlet de leur robe maculé de boue que d'avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers.»Admirables portraits de femmes prises aux pièges de l'amour, ces dix-huit nouvelles dessinent les contours de passions faites de promesses et de mélancolie. Avec les paysages lumineux de l'Italie en toile de fond, les femmes des Belles luttent pour échapper aux tragiques carcans de la famille, de la société, et de leurs amants, parfois au péril de leur vie.Dans cet ouvrage, Borgese, au sommet de la forme courte, célèbre les beaux alibis du coeur et l'universalité du mal d'aimer.
«En 1921, dix ans avant qu'il ne choisisse l'exil pour les États-Unis, le grand critique italien Giuseppe Antonio Borgese avait publié un premier roman, Vie de Filippo Rubè, fruit de la Première Guerre mondiale. Courte vie à laquelle le protagoniste va tenter de trouver un sens dans un monde où la peur, la mort, le courage et l'amour tressent un réseau inextricable. Au milieu de paysages essentiels, trois femmes superbes se détachent, Eugenia, Mary et Célestine, qui prendront le visage de son destin. À travers l'errance du personnage s'élabore la vision disparate, parfois sarcastique, d'une société héroïque ou frivole, voire corrompue. Borgese rêvait de créer des "fables pour l'imagination des foules qui soient aussi des modèles ardus de style pour les artistes". Cette ambition trouve ici son accomplissement. On pourrait comparer ce grand roman d'une "génération perdue" à L'adieu aux armes (1929) d'Hemingway, si la prose de Borgese n'était foisonnante d'images à la saveur oubliée. Manière de racheter le désenchantement d'une époque sans espoir, dont l'auteur exilé complétera le profil en 1937 dans son livre Goliath, La marche du fascisme.» Muriel Gallot.