Table thématique : 1924 - 2024, le Surréalisme a 100 ans !
-
André Breton, Manifeste du surréalisme : Le Manuscrit
Thierry Dufrêne
- Jean-Michel Place Editeur
- 3 Septembre 2024
- 9782383580140
Le Manifeste du surréalisme d'André Breton entame une révolution de l'esprit, par-delà les manifestes futuristes de Marinetti et les manifestes dadas de Tristan Tzara. Le fac-similé du Manuscrit révèle toute la fraîcheur d'immenses pages serties d'une belle écriture parsemée de ratures. À travers les lignes «serpentines» et «affolantes» de son manifeste, André Breton définit le surréalisme comme un «automatisme psychique pur» et accorde les pleins pouvoirs à l'imagination. En décembre 1924, un placard publicitaire proclamait : «Le Monde entier parle du Manifeste du surréalisme». Nous allons aujourd'hui à la découverte d'un nouveau monde, celui des Manuscrits du Manifeste du surréalisme et de Poisson soluble, deux textes fondateurs et indissociables d'André Breton. Au printemps de 1924, André Breton distribue à son épouse Simone et à une quinzaine d'amis surréalistes une pile de cahiers d'écolier pour qu'ils s'exercent à l'écriture automatique au fil de leur plume et au poème-collage en découpant des titres de journaux. Pour sa part, il enchaîne dans sept cahiers une centaine d'historiettes auxquelles il mêle quatorze poèmes-collages, dont il tirera la matière de Poisson soluble. Il songe alors à une préface à Poisson soluble, une introduction qu'il se résout à appeler Manifeste du surréalisme, d'autant plus que le groupe qu'il anime avec Louis Aragon et Robert Desnos décide de fonder, après la revue Littérature, une nouvelle revue au titre retentissant : La Révolution surréaliste.
Le Manifeste du surréalisme, qui efface l'étiquette dada, promeut tout à la fois la phrase de présommeil («Il y a un homme coupé en deux par la fenêtre »), le récit de rêve ou l'image surréaliste (« Le rubis du champagne », Lautréamont). Surtout, Breton y dresse la liste des précurseurs, comme Swift, Sade, Rimbaud ou Jarry et la liste des dix-neuf surréalistes ayant fait acte de « surréalisme absolu », parmi lesquels, Paul Éluard, René Crevel, Benjamin Péret ou Philippe Soupault. C'est parce qu'ils intentent un procès à l'attitude réaliste faite de médiocrité et de plate suffisance que Breton et ses amis se nomment surréalistes. En octobre 1924, le mouvement surréaliste est en pleine possession de ses moyens. Le 11 octobre, le Bureau de recherches surréalistes ouvre ses portes au 15, rue de Grenelle. Le 17 octobre, les premiers exemplaires du Manifeste du surréalisme (imprimé à Bruges), arrivent par avion à Paris. Le 20 octobre, est distribué le tract Un cadavre contre Anatole France, l'apôtre de l'attitude réaliste, mort peu auparavant. On sait que le Manifeste du surréalisme suivi de Poisson soluble d'André Breton a façonné la culture mondiale. Cent ans après, le public peut enfin prendre connaissance du manuscrit du Manifeste du surréalisme et des sept cahiers d'écolier de Poisson soluble. -
«J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir immense se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je n'avais vu encore que des yeux se fermer.»En cet été 1927, au manoir d'Ango en Normandie, André Breton travaille à un court livre autobiographique évoquant sa rencontre avec une jeune femme, Léona Delcourt, que la postérité littéraire retiendra sous le nom de Nadja. De cette brève et intense attraction réciproque, le poète tire un texte parsemé d'images qui met en scène les hasards, les pérégrinations, les coïncidences, comme déterminants de l'aventure amoureuse, de l'écriture et des arts.Au gré du récit, cet ouvrage propose une déambulation à travers l'univers unique de Nadja, du surréalisme alors à son acmé, et lève le voile sur celle qui en fut l'héroïne.
-
Femme, vie, liberté
«Je me régale des anecdotes, jamais elles ne mentent. Dans le même registre, les lapsus, capables de ruiner sur le champ tout discours finement fignolé, plein de retenue et de bien-pensance.
Et pour compléter ce duo, l'indispensable 'petit bout de la lorgnette', ennemi intime des grandes théories et des abstractions peu compréhensibles. Redoutable trio, pareils à des éclats de vif-argent, dans un univers où règnent en maître le calcul, la tromperie. À la rescousse de mon attirance pour ces trois pépites : les surréalistes. Je les aime ceux-là, d'un amour pur et jaloux, quasiment exclusif. Ces passionnés, je les jalouse, je les envie, je les quête. Qu'ils m'acceptent comme l'un des leurs, un frère en rêverie, en combat, en passion.
Alors je m'invente, je m'immisce dans leurs existences, comme si j'y étais. Dans ma démesure, j'ai même l'impression que ce qu'a vécu André Breton, ses engouements, ses drames, ses espoirs, ses désillusions, sont proches d'un copié-collé de ma propre réalité, sentimentale entre autres.»
Ces premiers mots de Ralph Ritter donnent le ton de l'ouvrage : c'est à un voyage d'imagination qu'il nous convie. La rêverie s'affranchit des grandes théories. Elle se nourrit de faits insignifiants, de petites anecdotes qu'elle bonifie à l'infini, auxquelles elle donne chair et profondeur. De bordels en plages normandes, de réflexions érotiques en ébats littéraires, l'auteur nous transporte à travers trois espaces temps : l'entre-deux-guerres des surréalistes, le xixe siècle de leurs références et le présent du narrateur - les couloirs du pouvoir des années Mitterrand. L'amour fou est un des points qui relie l'auteur à son grand homme, André Breton. Le décalage entre les idéaux socialisants des surréalistes et le mur de la réalité du pouvoir un demi-siècle plus tard joue comme un écho entre les deux époques.
L'écriture se love dans chacun des cadres proposés, abrupte à Étretat, foisonnante au Jardin du Luxembourg, haletante dans les ruelles de Paris, bavarde dans les dîners en ville, primesautière dans les cafés, cash au Berlemont bruxellois, apaisée en Sologne. Toujours poétique et impertinente, elle fait voisiner René Char et Dominique Strauss-Kahn, Edith Cresson et Fantômas. Sous des airs légers, cette flânerie nous apprend beaucoup sur les dessous tant de la littérature que du pouvoir et, sous un apparent hymne à l'infidélité, se glissent une haute exigence morale et une ode à la liberté et à l'amour.
L'ouvrage s'achève sur un mini dictionnaire amoureux des personnages et des oeuvres mis en scène. -
Auteur, ingénieur papier, graphiste, illustrateur, directeur artistique et scénographe basé à Paris, Gérard Lo Monaco a collaboré à plusieurs reprises avec des musées et a imaginé des collections de jouets et des scénographies d'expositions telles que « Pinocchio » au Hangaram Museumin en Corée.
Directeur artistique du secteur jeunesse et des beaux livres chez Albin Michel pendant 10 ans, il a ensuite créé le studio graphique Les Associés réunis et cofondé les éditions jeunesse Hélium. Il réalise des affiches, des pochettes d'albums et des livres pour enfants, dont des interprétations contemporaines du Petit Prince, de Sonia Delaunay et de Moby-Dick en pop-up. -
Alcools
Guillaume Apollinaire, Louis Marcoussis
- Gallimard
- Livres D'art
- 25 Octobre 2018
- 9782072792717
Ce coffret contient : le fac-similé de l'exemplaire unique d'Alcools aquarellé par le peintre cubiste Louis Marcoussis, 40 eaux-fortes inédites gravées par l'artiste ainsi qu'une étude consacrée à l'ouvrage par le directeur de la réserve des livres rares de la BnF.
Au début de l'année 1919, quelques mois après la mort de Guillaume Apollinaire, le peintre cubiste Louis Marcoussis (1878-1941), ami de longue date du poète, entreprend d'aquareller son exemplaire d'Alcools, publié au Mercure de France en 1913. Il illustre alors quelques pages puis reprend ce travail en 1930-1931, à la suite d'une commande du collectionneur André Lefèvre.
C'est en 1934 qu'il s'attelle à la création des Eauxfortes pour "Alcools", une suite de quarante planches gravées qu'il expose dans une galerie parisienne et tire à une vingtaine d'exemplaire. Il est alors envisagé d'extraire dix de ses gravures a?n d'orner une édition spéciale d'Alcools publiée par le NrF ais ce projet restera sans suite. L'exemplaire aquarellé ne constitue pas un préalable à la suite gravée, mais on y retrouve tout de même des motifs ?guratifs très similaires et l'on y devine l'importance pour celui qui fut l'ami de Braque, Degas et Picasso, d'illustrer Alcools. Il offre ainsi une interprétation plastique admirable du recueil en pénétrant au coeur de l'oeuvre.
-
Le bestiaire ou cortège d'Orphée
Guillaume Apollinaire, Raoul Dufy
- Espaces & Signes
- 19 Avril 2024
- 9791094176955
S'il est un écrivain qui consacra une partie de son oeuvre à chercher comment fusionner les mots et les formes c'est bien Guillaume Apollinaire. Qui ne connaît en effet ses fameux Calligrammes ? Mais sa tentative la plus hardie est aussi la moins connue. Elle date de 1911, alors que la réputation du poète se limitait à un cercle très restreint d'artistes parisiens. Il s'agit de son premier recueil de poèmes publié, Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée, qui est une véritable aventure artistique, réalisée en osmose avec le peintre Raoul Dufy.
Dans cet ouvrage, les deux artistes communiquent, se répondent, s'interpénètrent, s'inventent les uns les autres, semblent se contredire parfois, pour finalement se recréer jusqu'à ne plus produire qu'une seule et unique oeuvre.
Vingt-cinq animaux sont évoqués dans ce Bestiaire, animaux terrestres, marins ou volants. Du plus petit, la puce, au plus imposant, l'éléphant, ils sont autant de moyens pour Apollinaire d'évoquer des thèmes éternels, comme l'acte créateur, la femme, l'amour, le temps qui passe ou la mort. -
Dans ce recueil de citations très singulier, Paul Eluard poursuit la réflexion engagée depuis le surréalisme sur le langage, la parole et la poésie.
Aux heures tragiques de l'Occupation, Poésie involontaire et poésie intentionnelle réactualise une préoccupation ancienne chez Eluard. Le surréalisme avait ressenti, dès ses débuts, l'emprise décisive des incitations de Rimbaud et surtout de Lautréamont à chercher la poésie ailleurs : " La poésie doit être faite par tous. Non par un. " La quête de toutes les formes que peut prendre la spontanéité créatrice mène aussi bein vers les trouvailles éclatantes des poètes qu'au discours troublant du fou ou au trésor des locutions populaires. " Comprendra-t-on mon intention profonde, amener l'esprit poétique en France dans des contrées mal appréciées jusqu'ici ", écrit Eluard vers mai 1942. Averti du projet, Pierre Seghers utilise ses dernières rames de papier pour produire ce livre sans précédent.
Dans cette anthologie riche en surprises délectables, Eluard s'efface au profit des voix venues de tous pays et de toutes époques, connues ou anonymes. Voici que viennent dialoguer la poésie involontaire - en page de gauche et en italique - et la poésie intentionnelle, en page de droite. Le " mince fil de la poésie impersonnelle " y fait apparaître ses plus miraculeuses conjonctions avec le langage dont les plus grands poètes ont le secret.
Préface de Nicole Boulestreau -
Publié au lendemain de la Libération, Le Surréalisme contre la Révolution se présente comme un pamphlet contre André Breton, mais il témoigne aussi du parcours individuel de l'auteur, passé de l'hermétisme du Grand jeu à l'athéisme le plus militant. Ainsi, plus qu'un réquisitoire, ce texte est aussi un plaidoyer pour le rationalisme, dans la tradition des Lumières. « Nos privilégiés, eux, ne s'y trompent pas. Que Breton contribue à revaloriser le sacré, il devient précieux au même titre que Bergson, que Maritain, que ce pauvre Max Jacob et tous les convertis littéraires, que le néo-thomisme, que la néo-théosophie, que toutes les machines de guerre lancées depuis 1919, pour faire douter l'homme de sa raison, pour rendre dérisoire sa croyance au bonheur possible, son espoir dans le progrès, pour le convaincre de s'évader au lieu de transformer le monde et sa condition dans le monde. Alors le Figaro ouvre ses colonnes à André Breton, lève la consigne du silence. La bourgeoisie n'en est plus à faire la fine bouche. » Roger Vailland.
-
Les 100 mots du surréalisme (2e édition) (2e édition)
Paul Aron, Jean-Pierre Bertrand
- Que Sais-Je ?
- Que Sais-je ? Les 100 Mots
- 12 Novembre 2014
- 9782130632832
De tous les mouvements artistiques qui ont marqué l'histoire du XXe siècle, le surréalisme est celui qui s'est imposé le plus durablement dans l'imaginaire collectif. Son projet était, il est vrai, d'une envergure rare : ses artistes se sont lancés dans une quête sans fin, qui permettrait de « changer la vie » sous toutes ses formes.
Voici 100 mots, comme 100 « repères », pour présenter les priorités cardinales du surréalisme, les moyens de son existence, les formes de son organisation, en France et aussi à l'étranger. Cent mots, d'« aphorisme » à « tracts », d'« érotisme » à « scandale », pour restituer la diversité et la richesse du mouvement fondé par Breton, Aragon, Éluard et leurs amis proches. Un mouvement littéraire, mais aussi politique sans être inféodé, ouvert aux arts plastiques, au cinéma, à la photographie, et à toutes les formes de la pensée et de l'inconscient.
-
« Gracq s'éloigne de la fenêtre, rejoint le creux de son fauteuil et l'imagine. Improbable rencontre, passion surréaliste entre Julien, le sévère provincial enraciné, natif des Mauges et Nora, bulgare, d'origine judéo-espagnole-italienne. En la rencontrant, lui qui avoue « manquer de mélange » a découvert un autre ciel, vaste, libre, incertain. Nora croit en l'amour, à l'amour fou ! Avait-il envisagé le mariage ? Non. Pas de vie commune possible pour Julien. Il a trop besoin de se retrouver seul sur de longues périodes pour trouver, au plus profond du silence de Saint-Florent-le-Vieil, l'inspiration. Pour quelle raison vouloir infliger à celle qu'on aime une telle existence ? Rien à ses yeux ne le justifiait. L'oeuvre d'un écrivain a un coeur secret ; la solitude. »
Pour aiguiser l'appétit du lecteur, disons seulement qu'on y apprend autant sur Nora Mitrani que sur les surréalistes et leur mouvance. Sous la plume de Roger Aïm, toute une micro-société ressuscite et le plus troublant de ces pages, c'est qu'on croit voir Julien Gracq lui-même, depuis sa retraite de Saint-Florent-le-Vieil, redéroulant avec son biographe les parts les plus secrètes de son passé.
Irène Frain